Nu intégral
Le 1er avril 2003
Des mots d’amour, des maux d’amour. Et la mort.
- Auteur : Georges Simenon
- Editeur : Presses de la Cité
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Des mots d’amour, des maux d’amour. Et la mort. Simenon travaille au corps un couple d’amants qui se défait.
Elle : "Tu m’aimes ?". Lui : "Je crois." Elle : "C’est vrai que tu pourrais passer toute ta vie avec moi ?" Lui : "Bien sûr..." Eux : amants de la chambre bleue, mariés tous les deux. Lui, heureux quand même. Elle, non. C’est lui qu’elle veut. Alors ces mots qu’ils échangent, lui, tout nu devant la glace, et elle, couchée, les cuisses encore écartées, n’ont pas pour chacun le même poids.
"Si je devenais libre... Tu te rendrais libre aussi ?" Les mots courent dans La chambre bleue, écrit en Suisse en 1963 par Simenon, réédité, la bonne idée, par les Presses de la Cité. Pas de Maigret, mais des policiers, un juge, des avocats qui décortiquent la vie de Tony et Andrée, baptisés "les amants déchaînés" par une presse qui l’est tout autant. "Bien sûr..." Un prolongement à l’amour, des mots lâchés à la légère, qui pour Tony ne comptaient pas. Mais voilà. "Combien la vie est différente quand on la vit et quand on l’épluche après coup !"
Ici, ce n’est même pas un épluchage. C’est une véritable mise à nu. "Tous mes romans, toute ma vie, n’ont été qu’une recherche de l’homme nu", confiait Simenon [1]. Tony est à poil. Ne gardant, pour se couvrir, qu’un mince mensonge, même pas tenable, juste pour la forme. Il se laisse dévêtir, résigné, parce que si les mots font tout, ils ne disent pas tout, et certainement pas son histoire.
Humilité remarquable de la part d’un écrivain de génie. Cela suffirait à faire de La chambre bleue un grand roman. C’en est un immense. Au lent mouvement de la vie d’un homme qui se défait s’oppose celui, tout aussi patient, de la reconstitution d’une affaire. Simenon en pose les pièces l’une après l’autre, dévoilant peu, suggérant beaucoup, imbriquant en finesse souvenirs, aveux et regrets.
Vies brisées, fatalisme, compassion envers tous les personnages, de la tendresse même parfois : Tchekhov, que l’auteur admirait, est tout proche.
"J’adore lire Simenon. Il me fait penser à Tchekhov", disait Faulkner. La chambre bleue peut-être plus que d’autres. Ne serait-ce que par le rôle joué par le lieu lui-même dans ce récit, omniprésent. Une chambre comme un coffre aux trésors qui éclate en mille morceaux. Comme la Cerisaie.
Georges Simenon, La chambre bleue, Presses de la Cité, 2002, 192 pages, 14,50 €
[1] Entretien avec le Magazine littéraire, 1975.
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