L’outsider - la critique du film

Notre avis : L’ascension et la chute du plus célèbre des opérateurs de marché français sont l’objet du quatrième film de Christophe Barratier, bien loin du charme suranné des Choristes. Ici, ce sont les tours de la Défense qui se dressent comme un défi au jeune provincial, Rastignac des temps modernes, bientôt immergé dans un monde de la finance qui ne plaisante pas avec la réussite, capitalisant sur l’effervescence d’un marché complètement dérégulé. Le long métrage organise une véritable immersion dans le middle-office de la Société Générale, puis dans la trading room, où Kerviel devient véritablement un spéculateur, formé par son collègue et mentor Fabien Keller, modèle du yuppie viriliste, débit à la mitraillette et blagues grivoises en bandoulière. Enivré par sa réussite, le protagoniste prend vite la couleur de son milieu, intègre l’habitus de ces néo-capitalistes dopés aux succès ostentatoires et au discours managérial, qui spéculent et misent sur les indices boursiers comme d’autres jouent au casino. Si la première partie, fondée sur le cocktail salle de cotation/trahisons entre collègues/drogues et bar à gogo-danseuses ne renvoie que de manière convenue à une lecture quasi freudienne de l’affaire (la pulsion de toute puissance masculine) et immanquablement au Loup de Wall Street, la suite est plus intéressante, surtout à partir du moment où le jeune homme met le doigt dans un engrenage grisant et entreprend de spieler des montants non autorisés.
Le montage de plus en plus saccadé évoque un trader bientôt acculé par la Société Générale, qui découvre l’existence de milliards illégalement investis par Kerviel, la découverte de la fraude s’ajoutant à la crise des subprimes, qui frappe de plein fouet la banque française. Les séquences à haute tension se succèdent, Arthur Dupont incarne avec conviction la nervosité de son personnage que viennent contrarier des velléités orgueilleuses. Mais l’intrépide ambitieux n’est, comme on le savait, que le symbole individuel d’une finance internationale devenue folle.
Si la réalisation orthodoxe ne s’empare pas complètement de ce sujet en or, qui acquiert, par sa démesure, une dimension quasi métaphysique, l’ensemble se laisse regarder, grâce notamment à ses acteurs, François-Xavier Demaison et Sören Prévost en tête, dont l’énergie crédible engendre une adhésion spontanée.