Push it to the limit
Le 11 février 2024
Bon pied, bon rail, le Marty animal couche la concurrence.
- Réalisateur : Martin Scorsese
- Acteurs : Leonardo DiCaprio, Jean Dujardin, Matthew McConaughey, Jonah Hill, Shea Whigham, Jon Favreau, Rizwan Manji, Jake Hoffman, Kyle Chandler, Jon Bernthal, Joanna Lumley, Margot Robbie, Rob Reiner, Cristin Milioti, Christine Ebersole, Katarina Cas, P.J. Byrne, Kenneth Choi, Ethan Suplee, Edward Herrmann
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Biopic
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h59mn
- Date télé : 15 février 2024 23:25
- Chaîne : Arte
- Box-office : 3 009 494 entrées France / 880 256 entrées Paris Périphérie.
- Titre original : The Wolf Of Wall Street
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 25 décembre 2013
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Résumé : L’argent. Le pouvoir. Les femmes. La drogue. Les tentations étaient là, à portée de main, et les autorités n’avaient aucune prise. Aux yeux de Jordan et de sa meute, la modestie était devenue complètement inutile. Trop n’était jamais assez…
Critique : C’était un bel anniversaire. Quatre jours et quatre nuits de teuf ininterrompue. Vous avez gagné deux 400m alcool libre, épousé une bonne partie des animaux de la ferme, et la plupart des organes dont vous souffrez ce matin ne sont pas les vôtres. Si vous ne dormez pas maintenant, un fukushima intérieur aura raison de votre âme. C’est pourtant le moment que choisit votre oncle Hervé-Donald, soixante-et-onze ans, pour vous secouer, et vous proposer de le suivre au 347- un club clandestin installé dans une soute d’avion - pour vous envoyer des shots de kérosène. Et bien tonton Marty, c’est un peu Hervé-Donald. Un type qui, à l’âge vermeil, court plus vite et plus longtemps que les mineurs. Un Kenenisa Békélé du cinéma, dont ce Loup de Wall-Street n’est peut-être pas le dernier titre.
De prime abord, tout ça ressemble quand même beaucoup à une version yuppie des Affranchis, soit un film- tiré d’une histoire vraie - sur l’ascension et la chute d’un homme dans un milieu donné. Hier la mafia new-yorkaise, aujourd’hui la haute finance. Mais quand la trajectoire façon mortier d’Henry Hill/Ray Liotta servait en 1990 à établir à travers lui un joli panorama de la pègre italo-ricaine, celle de Jordan Belfort/ Leonardo DiCaprio ressemble plutôt à l’élévation et l’implosion d’un franc-tireur de la grosse thune, plus intéressé par la mise en pratique d’un certain savoir-vivre bling que par les arcanes d’un système dont lui-même, face caméra, refuse d’évoquer les ficelles rébarbatives. Parce que non, Le Loup de Wall Street n’est pas un film sur Wall Street (d’abord parce que Belfort est avant tout un escroc aux méthodes très personnelles, et pas le baron Gordon Gekko/Michael Douglas) mais un cantique à la gloire du billet vert, de la drogue dure et du sexe tarifé. Une apologie du base jump mental. Une œuvre, qui, à l’image de Taxi Driver, dont on a longtemps dit qu’il était un film définitif sur le Vietnam sans montrer un m2 de jungle, est peut-être l’un des travaux les plus accomplis sur le hip-hop, ou une certaine frange du hip-hop, sans jamais l’évoquer frontalement. Ou presque.
Sans surprise, on s’aperçoit en jetant un coup d’œil sur le CV de Terence Winter, scénariste de la chose, que l’animal est entré à Hollywood en écrivant Get Rich or Die Tryin’ (Réussir ou mourir en VF), le quasi-biopic de 50 Cent. Ceci explique cela, et pas seulement le goût pour les yachts ou les caleçons en saphir, mais aussi l’ego trip bien formulé, l’auto-glorification, le flow du MC Belfort qui motive ses troupes au micro ou séduit ses proies sur un beat réglé, le rythme-roi qui domine le récit comme le découpage (scandé par Matthew McConaughey, génial mentor éphémère de DiCaprio) et cette terreur instinctive du temps mort – que Belfort appelle « sobriété » - qui appelle l’introspection et tue le vif argent. Rail de coke après rail de coke, muqueuse après muqueuse, punchline après punchline, la team Scorsese/Winter bâtit sans décélérer une transe débile mais fascinante, qui porte la débauche friquée et le goût de la liasse vers un point d’abstraction –ou une zone vide de sens – dont on se demande s’il ne frôle pas l’art contemporain. Un cirque hédoniste jamais subversif, mais jouissif parce que conscient de ne pas l’être. Et quand les personnages baissent de régime, après avoir avalé quarante quaaludes assassins, le film se débrouille quand même pour tisser une séquence d’aventure en slow motion opiacé aussi stressante qu’une course contre la mort. Ou en l’occurrence, contre la tôle.
Bref, vous l’avez compris, ce vieux loup de Martin envoie sévère. Presque trop pour notre santé mentale, mais toujours avec humour. Des dents phosphorescentes de Jonah Hill en cinglé faussement WASP aux jets de homards sur des agents du FBI, en passant par le one man show mégalo-libéral de McConaughey, le film est plus drôle que 90 % des comédies vues cette année, ou les cinq dernières. Certaines scènes, comme le débat qui précède l’embauche de nains fléchettes pour amuser les collègues, pourraient se frayer un chemin dans Anchorman 2, sans choquer les Ferrelliens, et sans faire du Loup du Wall Street un spoof movie pour autant. Une certaine idée de la classe, accompagnée par une OST du meilleur groove, qui aurait d’ailleurs du garder en son sein le Black Skinhead de Kanye West, et ne pas le réserver à son admirable trailer.
Ce film flamme finit pourtant par s’éteindre avant l’heure, et avant tout parce qu’il est trop long. En se privant de quelques redondances festives, et en réservant certaines scènes à son futur Blu-ray, Scorsese (qui avait pourtant déjà réduit le métrage d’une heure avant sa sortie) aurait pu faire de l’inévitable érosion du gourou Belfort une fin de parcours aussi jouissive que les trois autres quarts du film, avec le même panache glauque qui baignait celle de Henry Hill . Mais c’est un menu défaut, et il est plutôt logique de voir une œuvre aussi joyeusement déréglée se prendre les pieds dans sa propre surenchère. Remercions Martin, en cette période, d’être (re)venu à nous les bras chargés de chèques cadeaux, sous une jolie neige colombienne, et d’avoir su nous vendre son morceau de bravoure comme Belfort refourguait des actions inutiles à ses pigeons d’élite.
Le deuxième plus gros succès de Martin Scorsese en France après Shutter Island (3 108 501) à 100.000 entrées près.
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