Le 23 mai 2024
Foisonnante, cette biographie fictionnelle aussi moderne que faussement datée est ancrée dans l’Angleterre victorienne et fait la part belle aux minorités d’alors, femmes, pauvres et Noirs luttant pour leurs droits.
- Auteur : Zadie Smith
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman, Roman historique
- Nationalité : Anglaise, Jamaïcaine
- Traducteur : Laetitia Devaux
- Titre original : The Fraud
- Date de sortie : 16 mai 2024
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Eliza Touchet est loin d’être une femme ordinaire dans l’Angleterre victorienne de la fin du XIXe siècle. Non seulement, après avoir perdu son mari, elle vit en concubinage à peine masqué avec son cousin par alliance — dont elle se retrouve contrainte de corriger les innombrables romans-fleuves écrits dans la veine de Charles Dickens, le talent en moins —, mais elle est aussi farouchement indépendante et politisée. Abolitionniste de la première heure, Eliza s’enthousiasme pour un intrigant procès qui déchaîne les passions à Londres : Sir Roger, grand héritier de l’empire Tichborne, disparu en mer des années auparavant, a brusquement refait surface et réclame son dû. À ses côtés, un ancien esclave de la colonie jamaïcaine ayant appartenu à la famille Tichborne témoigne en sa faveur. Mais ce revenant, si grossier et inculte, peut-il vraiment être Sir Roger, comme il le clame ? Et pourquoi cet homme noir prend-il ainsi sa défense ?
Critique : L’angle choisi par Zadie Smith donne à ce livre un statut qui va au-delà de la biographie romancée. William Ainsworth, l’homme de lettres anglais dont la vie faite d’amitiés et de rivalité, de disputes et d’emballements soudains qui semblerait être le sujet initial de L’imposture, n’est en réalité que l’un des personnages qui, en arrière-plan, contribuent à l’intelligente densité de l’œuvre. Eliza Touchet, sa cousine qui vit auprès de lui pendant des années, concentre en réalité l’attention de l’autrice britannico-jamaïcaine. Grâce à cette femme, à son caractère farouche, ses idées avant-gardistes, son féminisme et son humanisme, Zadie Smith se penche sur la société victorienne, sur la pauvreté dont Charles Dickens, une silhouette parmi d’autres dans ce texte, se repaît, sur les descendants d’esclaves jamaïcains, sur la bourgeoisie et sur le milieu littéraire d’alors dont William est un membre singulier.
En évitant la linéarité, la narration reste rythmée, malgré ses accents volontairement datés. Grâce à d’ingénieux détails, l’autrice parvient ainsi à insuffler une grande modernité à son roman historique, si ample et immersif. En filigrane, elle signe également une chronique judiciaire qui tait son nom, retraçant les moments marquants de l’affaire Tichborne, laquelle débute en 1871 et déchaîne les passions populaires comme les feuilletons d’alors. Comparait une kyrielle de témoins, dont le valet noir du requérant qui fascine Eliza et à qui Zadie Smith dédie une partie de son roman. Grâce à lui et à ce procès, l’autrice s’appesantit ainsi longuement sur l’esclavage en Jamaïque, ses atrocités et son héritage.
Ode à la liberté et aux minorités, cette fresque foisonnante souffre parfois de quelques longueurs, mais la foule victorienne qui s’agite dans ces pages éclairées et éclairantes s’incarne tant que le lecteur passe outre et profite les yeux ouverts de ce voyage dans le temps.
Zadie Smith - L’imposture
Gallimard
546 pages
140 x 205 mm
24,50 euros
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