Le miroir aux alouettes
Le 10 novembre 2009
Terry Gilliam réfléchit peut-être un peu trop sur sa condition d’artiste marginal et néglige de nous emmener aux pays des merveilles. Un joli conte mélancolique malgré tout.
- Réalisateur : Terry Gilliam
- Acteurs : Johnny Depp, Jude Law, Heath Ledger, Christopher Plummer, Colin Farrell, Tom Waits, Verne Troyer, D. Harlan Cutshall
- Genre : Comédie dramatique, Fantastique
- Nationalité : Français, Canadien
- Date de sortie : 11 novembre 2009
- Plus d'informations : Le site officiel du film
- Festival : Festival de Cannes 2009
– Durée : 1h52mn
– Titre original : The Imaginarium of Doctor Parnassus
Terry Gilliam réfléchit peut-être un peu trop sur sa condition d’artiste marginal et néglige de nous emmener aux pays des merveilles. Un joli conte mélancolique malgré tout.
L’argument : Avec sa troupe de théâtre ambulant, " l’Imaginarium ", le Docteur Parnassus offre au public l’opportunité unique d’entrer dans leur univers d’imaginations et de merveilles en passant à travers un miroir magique. Mais le Dr Parnassus cache un terrible secret. Mille ans plus tôt, ne résistant pas à son penchant pour le jeu, il parie avec le diable, Mr Nick, et gagne l’immortalité. Plus tard, rencontrant enfin l’amour, le Docteur Parnassus traite de nouveau avec le diable et échange son immortalité contre la jeunesse. A une condition : le jour où sa fille aura seize ans, elle deviendra la propriété de Mr Nick. Maintenant, il est l’heure de payer le prix...
Notre avis : Le premier sentiment qui nous étreint, en sortant de la projection du dernier Terry Gilliam, est la déception. Déception par rapport à l’aura extraordinaire que dégageait ce film, a priori. Pour les fans que nous sommes, un nouveau Gilliam c’est toujours un petit miracle quand on pense aux difficultés et à la poisse habituelles rencontrées par l’ancien Monty Python sur la majorité de ses projets. Pas d’explosion de budget ni de tempête cette fois-ci mais carrément la mort de l’acteur principal, Heath Ledger. N’importe quel autre cinéaste aurait jeté l’éponge. Pas l’ami Terry chez qui l’entêtement et la persévérance sont des qualités aussi importantes que ses talents de metteur en scène. Cette tragique disparition associée au fait que l’acteur soit « remplacé » par trois jokers de luxe (Depp, Law et Farrell) augmentait notre impatience de découvrir une œuvre qui fut un temps présentée comme la somme des films de son auteur. On avait peut-être trop projeté ce Parnassus dans notre imaginarium justement car l’écart entre nos attentes et le résultat est trop important pour que l’on puisse s’enflammer.
- © Metropolitan FilmExport
Certains pointeront du doigt un problème de rythme, diront que le film ne laisse pas assez de place aux scènes dans l’imaginarium et qu’il s’embourbe dans la représentation pathétique d’un groupe de marginaux prisonniers d’une réalité pourrie. Il est vrai que certaines scènes sont inutilement longues et que nous sommes frustrés de ne pouvoir traverser plus souvent le miroir. Mais cette manière de jouer avec nos envies est plutôt habile car non seulement, d’un point de vue narratif, elle accroît le pouvoir mystérieux de cet imaginarium tant désiré, mais de plus, d’un point de vue symbolique, elle met en avant une des vérités fondamentales de Gilliam, à savoir que le spectacle, le grand, le vrai, celui qui nous fait rêver, il se mérite et on ne le trouve pas si souvent que ça, surtout s’il est produit à la chaîne, sauf si l’on prend la peine de chercher et de découvrir des artistes originaux à l’imagination et à la créativité pas encore frelatées. C’est bien de cela qu’il s’agit ici. Comment le capitalisme faussement ingénu finit par aseptiser le plus beau des spectacles. Une parabole intéressante et primordiale venant d’un cinéaste pour qui raconter des histoires permet au monde de ne pas sombrer dans le chaos (très belle scène dans le temple tibétain). Se vendre ou rester underground, perdants magnifiques dans le caniveau de la gloire. Eternel dilemme.
- © Metropolitan FilmExport
Cette réflexion s’incarne dans le personnage d’Heath Ledger, fascinant car insaisissable et limite schizophrène, permettant ainsi de justifier a posteriori le parti-pris de remplacer l’acteur défunt par trois comédiens. La fin du film remet en perspective tout le jeu de Ledger et invite à le revoir une deuxième fois, le diable n’étant pas celui que l’on croit. Le vrai problème c’est que l’on rechigne à revoir le métrage tant le spectacle proposé par Gilliam, surtout dans l’imaginarium, n’est tout simplement pas à la hauteur. Certaines fulgurances visuelles nous saisissent mais elles sont bien trop rares. Où est passée la folie inventive de l’auteur de Brazil ? Nous pourrions aisément rapprocher les deux films car ils sont empreints d’une mélancolie profonde et désespérée similaire mais le chef-d’œuvre de 1985 bénéficiait d’une vision esthétique pertinente. Ici, nous n’avons droit qu’à des décors qui parfois fleurent bon la pub et n’ont pas le charme des expérimentations d’autrefois. On trouve plus d’idées dans le générique du Flying Circus que dans la plupart de ces scènes « imaginaires ».
Finalement il n’y a que cette vieille caravane de l’étrange qui nous fasse rêver. Il faut dire qu’elle est admirablement filmée avec un grand angle impressionnant, à hauteur d’enfant et souvent en contre-plongée, ce qui procure parfois des sensations identiques à celles que nous avions jadis devant le Baron de Münchausen. Mais c’est très peu et c’est trop rare. Espérons que Terry Gilliam refasse rapidement un pacte avec le diable pour nous redonner un spectacle digne de ce nom. Car s’il finissait tout seul avec ses marionnettes de pacotille, à l’instar de son cher Docteur, ce serait le plus triste des épilogues.
- © Metropolitan FilmExport
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Norman06 11 novembre 2009
L’Imaginarium du Docteur Parnassus - la critique
Un divertissement de bonne tenue, des décors prodigieux, des mouvements de caméra vertigineux et un sens indéniable du rythme permettent de retrouver, dans certaines séquences, la folie naguère déployée par Gilliam. D’où vient alors que la magie n’opère pas totalement, et que l’on a l’impression d’assister à un spectacle balisé et faussement déjanté ? Sans doute le compromis commercial du réalisateur (collaborer avec un grand studio tout en préservant son indépendance) aboutit-il à un projet hybride, plastiquement inégal, qui ne séduira vraiment ni ses fans des grands jours, ni le public populaire des films d’aventures.
Camille Lugan 23 novembre 2009
L’Imaginarium du Docteur Parnassus - la critique
Un film séducteur et séduisant, dans un trop-plein de relief qui donne l’impression au spectateur d’être assis sur un coussin rebondi rempli d’eau. Tous les effets se voient, et pourtant on se sent bien dans cet univers de nuages blanc mouton et de prairies vert acidulé. A partir du (déjà) multiforme Ledger, il y a le plaisir de goûter une séquence à Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell, rêveurs hallucinés de la boîte à fictions de Gilliam. Sans regrets !
’Boo’Radley 25 décembre 2009
L’Imaginarium du Docteur Parnassus - la critique
Terry Gilliam est le digne héritier des "primitifs" du cinéma, c’est un poète comme pouvait l’être Méliès, un prestidigitateur de classe de Robert-Houdin, un artiste à l’imagination égale à celle de Robida ou d’un Georges Omry. Pour s’en tenir à l’aspect strictement visuel du spectacle (car ne nous trompons pas : rien d’autre ne compte), son imaginarium est particulièrement réussi : les séquences de l’autre coté du miroir sont menées avec une telle virtuosité, un tel sens du merveilleux, que le spectateur essouflé n’est rendu à lui-même qu’au terme de la projection. Il a passé deux heures à Guignol et il en sort aliéné et heureux.