Le 9 juin 2020
Restauré par la Fondation de la famille de Georges Lucas et le BFI National Foundation, le film de Terry Gilliam tombe à pic pour ces vacances de Noël. Dans la droite lignée des formidables Monty Python, le distributeur nous offre, en cette période de fêtes, un film décapant, bourré d’invention et surtout d’une étonnante modernité.
- Réalisateur : Terry Gilliam
- Acteurs : Terry Jones, Michael Palin, John Le Mesurier, Harry H. Corbett, Warren Mitchell, Max Wall
- Genre : Comédie, Fantastique
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 25 décembre 2019
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Résumé : À la mort de son père, le jeune Dennis décide de tenter sa chance en ville dans l’espoir de conquérir le coeur de sa dulcinée, Griselda, restée au village. Pendant ce temps, un horrible monstre surnommé Jabberwocky fait régner la terreur, tuant et anéantissant tout sur son passage. Voyant son royaume menacé, le roi Bruno le Contestable promet la main de sa fille à celui qui terrassera la bête…
Critique : On peine à penser que le film de Terry Gilliam date de 1977, tant il fait preuve d’une étonnante modernité, offrant derrière ce conte fantastique, une critique sévère du capitalisme, de la société de consommation et de l’individualisme. Le monstre qui sévit dans ces contrées moyenâgeuses, dont on ne perçoit que les dépouilles des gens qu’il dévore, s’attaque aux personnes les moins vertueuses, comme des braconniers ou des chercheurs de diamants, plus malhonnêtes qu’autre chose. Le récit a lieu dans un royaume où les puissants brutalisent les pauvres, les enchanteurs manipulent les cerveaux, la consommation à tout-va défigure les paysages et les villes, et la monstruosité constitue la norme générale. Le roi lui-même se fait nommer Bruno le Contestable, ce qui en dit long d’emblée quant à l’état de la démocratie sur son territoire. Gilliam ne laisse rien au hasard : derrière le ton grinçant et absurde, il décrit les conditions de travail terribles qui s’imposent aux vassaux, le statut de la femme, la discrimination sociale dont l’existence accable le monde, et le résultat d’un capitalisme, qui au lieu de bénéficier à tous, a accru la pauvreté et le chômage de masse. Film prémonitoire ? Plus que cela. Terry Gilliam signe une œuvre peu connue, mais d’une spectaculaire modernité.
Il faut se souvenir que la création de ce long-métrage intervient en pleine crise pétrolière qui va conduire à une crise économique durable, générant chômage de masse et paupérisation de l’Europe. Dans les mêmes années, le ministre travailliste James Callaghan s’apprête à céder le pouvoir à l’ultra libérale Margaret Thatcher qui gouvernera de 1979 à 1991. A travers le parcours de son héros simple, Dennis, un jeune artisan, Terry Gilliam raconte le parcours du combattant, non tant contre ce dragon qui hante les campagnes, que contre le refus chronique des patrons d’offrir un emploi. Comme dit un prétendant à la bataille engagée par le roi pour faire disparaître le monstre, détruire ce dernier. c’est détruire la ville tout entière. En effet, la véritable monstruosité, telle que la caméra la donne à voir, est cet état de la société capitaliste, cette justice expéditive, l’obscurantisme de la religion et l’exercice arbitraire du pouvoir. On rit jaune dans ce récit d’aventures, comme si Terry Gilliam mettait en scène notre propre état de la société contemporaine.
Visuellement, Jabberwocky n’a pas à rougir du rendu qui, pour l’époque, est d’excellente facture. La restauration bénéficie à un film qui dispose d’emblée des qualités esthétiques propres à ce type d’exercice. Terry Gilliam a façonné un film audacieux et haletant, les décors sont superbes, et l’humour parfois potache habite joyeusement le long métrage. L’étonnante modernité du propos s’illustre dans la façon dont le réalisateur met en scène son dragon, sans jamais le montrer, sauf à la fin où le héros n’est pas toujours celui que l’on croit et le monstre pas aussi terrible que la légende ne le raconte. Jabberwocky illustre le besoin de toutes les sociétés de se fabriquer des idoles comme des ennemis qui, finalement, ne sont pas à la hauteur du bûcher où on les a élevés. L’inventivité et le cynisme burlesque magnifient l’ensemble des scènes, toutes plus drôles les unes que les autres. Même l’humour n’a pas vieilli, au point que le film constitue un monument de cinéma, qui fera date dans la mémoire des spectateurs contemporains.
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