Naufrages amoureux
Le 10 décembre 2003
Six nouvelles absurdes et burlesques à souhait. Un régal !



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Il y a des livres qu’on regrette d’avoir dévorés. Si nous avions été moins gloutons, il nous resterait une petite nouvelle à nous mettre sous la dent. C’est certain. Encore une petite short story, une ! comme on dit au pays de Stephen Leacock. On se gaverait de bons mots, et le sourire se tordrait en grimace. Essayez, vous, de rire la bouche pleine de mots ! Parce que Stephen Leackock est de ces auteurs-là : il a la loufoquerie facile. La lecture des six nouvelles parues au Dilettante en témoigne. Conseil d’ami, savourez-les, étalez votre lecture, résistez à l’envie de n’en faire qu’une bouchée.
La première des nouvelles vous emmènera avec Monsieur Borus à bord du vapeur Patagonia. Très vite vous finirez sur un canot, où vous regarderez votre héros prendre le temps de lustrer le cuir de ses chaussures. Vous repêcherez ensuite une jeune demoiselle - belle, de surcroît - et vous vous échouerez sur une île, celle de la tentation. Quelques pages plus loin, vous constaterez qu’un héritage providentiel peut sauver un mariage qui bat de l’aile. Prenez des notes, cherchez dans la généalogie de votre moitié l’oncle d’Amérique. Viennent ensuite un soulèvement imminent de la tribu des Wazoos (attention, vous verrez des Wazoos partout !), une querelle séculaire entre deux familles écossaises (tragique et à mourir de rire), une parodie de roman russe et, pour clore le recueil, un pastiche d’histoire d’amour médiéval. Quoi, c’est déjà fini ? Car évidemment vous aurez succombé et tout lu d’une seule traite. Je ne vous blâmerai pas, Groucho Marx, le vrai, a eu le même problème avant vous !
Issu de la tradition de la nouvelle humoristique américaine, Stephen Leacock (1869-1944) [1] manie avec justesse l’absurde, le non-sens et le burlesque ; il ajoute un doigt de cynisme, fouette le tout de phrases qui ont l’air de ne pas y toucher, et le tour est joué. Il y a du flegme anglais dans l’écriture de ce Canadien !
Stephen Leacock, L’île de la tentation (édition établie par Frédéric Brument, traduit de l’anglais (Canada) par Thierry Beauchamp et Romain Rab), Le Dilettante, 2003, 122 pages, 13 €