Le 13 décembre 2021
Un mélodrame familial transcendé par la performance d’Olivia de Havilland. Dans le rôle de Catherine, une jeune femme d’abord prude et naïve, puis d’une froide intransigeance, elle est impressionnante.
- Réalisateur : William Wyler
- Acteurs : Montgomery Clift, Olivia de Havilland, Miriam Hopkins, Ralph Richardson, Vanessa Brown
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Swashbuckler Films
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h51mn
- Date télé : 13 décembre 2021 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 9 novembre 2016
- Titre original : The Heiress
- Date de sortie : 5 avril 1950
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Résumé : À la fin du XIXème siècle, Catherine Sloper vit dans une riche demeure de Washington Square en compagnie de son père, un veuf richissime et tyrannique. La jeune fille, timide et sans grands attraits, fait la rencontre du séduisant Morris Townsend au cours d’un bal. Le jeune homme lui fait aussitôt une cour empressée. Devenant un habitué de la maison des Sloper, il demande la main de Catherine à son père. Mais, celui-ci ne tarde pas à accuser le jeune homme d’être un coureur de dot et refuse...
Critique : Incontournable réalisateur de l’âge d’or hollywoodien, cinéaste à la fois reconnu et critiqué par certains pour son académisme, William Wyler signe, après le triomphe de son long métrage Les plus belles années de notre vie, l’adaptation d’une pièce présentée à Broadway, The doctor’s daughter, qui était déjà une transposition du roman Washington Square d’Henry James, publié en 1880.
Bien au-delà du convenu « portrait de femme », même si le récit se concentre sur une héroïne, le metteur en scène aborde l’une de ses thématiques favorites : l’enfermement, qu’illustrent formellement un des procédés caractéristiques de Wyler, la profondeur de champ. Celle-ci isole souvent les personnages dans un espace où s’investit la domination sociale.
On citera, à ce titre, la séquence où Morris Townsend accompagne la prude Catherine qu’il n’a cessé de chercher au cours du bal, comme l’indice déterminant d’un décalage entre les aspirations de ce dandy désœuvré et le mépris d’un milieu bourgeois qui le fascine.
Cette discrimination se cristallise dans la morgue du père de l’héroïne, un médecin réputé et constamment suspicieux. Ce dernier ne considère son potentiel gendre que comme « un coureur de dot » (Ralph Richardson, grand acteur du théâtre shakespearien, joue le rôle de manière impeccable).
La rivalité entre le veuf opulent et le bellâtre ambitieux configure un huis clos où l’on devine, dès le début, que la pauvre fille sage, affairée à fuir le monde parce qu’elle le craint, méprisée par son géniteur qui ne cesse de la comparer à sa défunte mère, sera l’« oie blanche » sacrifiée sur l’autel d’une société cynique. L’usage des plans séquences, un autre trait formel caractéristique du style de Wyler, permet d’accroître la tension entre Catherine et Morris, comme si la jeune femme tentait de résister à ce que son intuition lui dicte : le malheur adviendra si elle cède aux tentatives du jeune homme, Mais son inexpérience et le poids des conventions précipiteront le drame, dans une scène réminiscente de Madame Bovary, quand le fourbe Rodolphe promettait monts et merveilles à l’héroïne, au terme d’une fuite vespérale programmée. Ayant subi l’affront, la jeune candide, qui avait tant cru à son rêve, se métamorphose en figure tragique, dont la vengeance est alimentée par une blessure éternelle. L’attitude odieuse de son père, culminant dans une véritable scène d’humiliation, renforcera son amertume.
La duplicité du jeune soupirant trouve dans le jeu de Montgomery Clift une incarnation tout à fait crédible. Mais c’est surtout Olivia de Havilland qu’on retient : elle confère à son personnage une expressivité particulière, d’autant plus intéressante que ses grands yeux écarquillés, ses mots admiratifs et les rebuffades de son corps semblent s’affronter dans une contradiction permanente, même s’ils investissent une personnalité intrinsèquement niaise, ce qui renforce la dimension ironique de ce récit implacable. Cela dit, lorsque Catherine devient une femme blessée, nourrissant une rancoeur implacable contre les deux hommes qui l’ont trahie, l’actrice parvient à révéler, dans des traits du visage considérablement durcis, les signes d’une froideur impressionnante.
Une soudaine lucidité, acharnée à détruire les faux-semblants, lui inspire même cette conclusion éloquente, qui semble un résumé du film : « Je peux être très cruelle. J’ai été à bonne école, celle des maîtres ».
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