L’Étincelle : une histoire des luttes LGBT+ - Benoît Masocco - critique

Critique : Auteur de courts-métrages et de deux pièces de théâtre, Benoît Masocco adopte une démarche historique et militante pour son premier long métrage documentaire. De la répression policière des années 50 aux polémiques sur le mariage entre personnes de même sexe, le cinéaste aborde avec précision l’évolution de la perception de l’homosexualité en Occident, alternant documents d’archives et témoignages de diverses personnalités, comme l’historienne Lillian Faderman ou l’ancien Garde des Sceaux Robert Badinter. « C’est une histoire phénoménale : on parle de gens qui, en une vie, ont été contraints de se rencontrer dans des urinoirs et, à la fin, peuvent se marier et adopter », a déclaré Benoît Masocco : le résumé peut sembler réducteur et le contenu du film est bien entendu plus riche. Il établit ainsi un judicieux parallèle entre les luttes homosexuelles et les mouvements féministes, montrant comment le sexisme et l’homophobie, aujourd’hui pénalisés et condamnés par une large majorité de la population, étaient institutionnalisés par les lois et cautionnés par les mentalités.

Copyright Benoît Masocco

C’est que L’Étincelle est un document instructif sur l’évolution des déviances et leur relativité. On peut ainsi rétrospectivement être étonné face au titre d’un débat radiophonique de 1971 (« L’homosexualité : ce douloureux problème »), ou au ton sentencieux d’une Christine Ockrent définissant le sida comme « une forme de cancer qui n’atteint que les homosexuels mâles surtout ceux qui utilisent des excitants chimiques »… Pédagogique et bien documenté, le film explique bien le contexte, les tenants et aboutissants de plusieurs faits emblématiques comme les émeutes de Stonewall, série de manifestations spontanées contre un raid de police dans un bar gay de New York, en 1969, début de la contre-culture LGBTQ et des revendications sociétales. On pourra certes reprocher au film sa linéarité et son respect scrupuleux de la chronologie, mais le procédé est justifié : la répression des années 50 conduit à la révolte des années 60 qui amène la libération sexuelle des années 70 ; celle-ci a joué un rôle dans la propagation du sida à la décennie suivante, d’où les combats pour l’égalité menés des années 90 à aujourd’hui.

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Quelques réserves empêchent une adhésion totale. On regrettera que seuls les cas français et américain soient abordés, loin de la pluralité de la condition homosexuelle dans le monde. On aurait aimé par ailleurs davantage d’évocation ou d’interventions d’artistes : si le témoignage de John Cameron Mitchell, réalisateur de Shortbus, est intéressant, l’évolution de l’homosexualité au cinéma (Fassbinder) ou dans la littérature (Guibert) aurait bien mérité quelques minutes supplémentaires. Télévisuel dans sa forme, le film frappe moins que le touchant documentaire Les Invisibles de Sébastien Lifshitz et les cinéphiles préfèreront découvrir ou revoir Harvey Milk de Gus Van Sant ou 120 battements par minute de Robin Campillo. Malgré tout, L’Étincelle mérite le détour et donne envie de découvrir les prochains projets d’un réalisateur passionné et sincère.