Double "Je"
Le 29 juin 2019
L’énigme de Givreuse est l’un de ces quelques romans réédités par BNF Editions, pour réhabiliter le genre oublié du merveilleux scientifique dont la collection « Les Orpailleurs » est devenue spécialiste. Cet écrit de J.H. Rosny ainé (1856-1940) se lit certes comme un roman de science-fiction, mais autant le lecteur perçoit la dimension fictive et romancée, autant le caractère scientifique du récit laisse perplexe et dubitatif.
- Auteur : Joseph Henri Rosny Aîné
- Collection : Les Orpailleurs
- Editeur : Bibliothèque nationale de France Editions
- Plus d'informations : BNF Editions
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Résumé : « Interrogez-nous séparément sur notre enfance et sur notre jeunesse… Confrontez vos souvenirs avec les nôtres… Vous aurez comme nous la conviction que rien de ce qui est arrivé à l’un n’est étranger à l’autre… RIEN ! » 1914. Deux hommes reprennent conscience sur un champ de bataille. Ils portent le même nom, ils ont les mêmes blessures, les mêmes souvenirs. Cette parfaite similitude ébranle tant la mère que Valentine, la fiancée. Quelle force surnaturelle a dédoublé Givreuse ? Comment, au quotidien, vivre avec cette déconcertante gémellité ? Passé à la postérité pour ses romans préhistoriques (La Guerre du feu), J.-H. Rosny aîné (1856-1940) est l’un des pères fondateurs de la science-fiction moderne. Cette brillante variation sur le thème – canonique – du double révèle tout un pan de son œuvre aujourd’hui injustement négligé.
Notre avis :
Plusieurs titres de J.H. Rosny ainé sont réédités dans cette collection. L’auteur de La Guerre du feu eut l’intuition de plusieurs conséquences sociales et médicales aux progrès scientifiques. Dans L’énigme de Givreuse, il est possible de lire ce récit de 1916 comme une anticipation du clonage humain qui depuis défraya la chronique depuis la tentative -alors- très médiatisée de la secte Raël de 2002. Le roman finit par y venir, mais la structure narrative du récit consiste surtout à rendre compte des évolutions de l’entourage des deux « héros » devant ce « dérèglement de la nature » et de la place qu’on laisse au « surnaturel », dans notre représentation du monde. Dans ce contexte de la Grande Guerre où les femmes se retrouvaient souvent veuves, les états d’âme de la fiancée troublée par le retour d’un tandem d’amants absolument identiques, paraissent au lecteur d’aujourd’hui un peu incongrus et déplacés.
On peut néanmoins s’intéresser à la thèse sous-jacente contenue dans les choix narratifs de l’auteur : ainsi, sont développés les passages où, sous l’influence de circonstances différentes, les deux êtres initialement similaires se distinguent et laissent ainsi ouverte une place à l’autonomie et au libre arbitre. Cette position contredit l’idée d’un destin tout tracé génétiquement. Depuis la publication de ce roman, l’image du savant a été largement dépréciée. Ici, à rebours de toutes interrogations d’ordre bioéthique, on est surpris de la candeur naïve qui fait de cette opération de « clonage humain » avant l’heure un succès dont on se félicite. Cette curiosité est bien une pépite de la littérature de genre, mais force est de constater que cette fois-ci, ce merveilleux scientifique n’a pas si bien vieilli. Le choix et le travail de l’éditeur auraient mérité plus de discernement et un meilleur accompagnement, notamment graphique (la couverture est improbable et la promesse de plusieurs autres contes, là où on ne trouve que la nouvelle, plus palpitante que le roman d’ailleurs, La Haine surnaturelle).
Broché, 168 p., 12,5 x 20,5 cm
Date de parution : 19 octobre 2017
ISBN/EAN : 978-2-7177-2759-3/9782717727593
Editeurs : BnF Éditions
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