Crimes et délits milanais
Le 9 septembre 2011
Rencontre avec la légende criminelle italienne Renato Vallanzasca, gangster gentleman de profession. Une légende qui donne naissance à un film calibré.
- Réalisateur : Michele Placido
- Acteurs : Moritz Bleibtreu, Kim Rossi Stuart, Filippo Timi, Francesco Scianna
- Genre : Thriller
- Nationalité : Italien
- Date de sortie : 7 septembre 2011
- Plus d'informations : http://langedumal.com/
L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h51mn
– Titre original : Gli angeli del male
– Interdit aux moins de 12 ans
Rencontre avec la légende criminelle italienne Renato Vallanzasca, gangster gentleman de profession. Une légende qui donne naissance à un film calibré.
L’argument : Un premier crime à l’âge de 9 ans, une réputation d’envergure à 27 ans, le gangster Renato Vallanzasca défraie la chronique en italie. Son charme et son humour gagnent le coeur de la plupart des italiens, malgré les violences commises par son gang. Arrêté à maintes reprises et aujourd’hui condamné à une quadruple perpétuité, celui qu’on surnomme "l’ange du mal" s’est joué des institutions pénitentiaires et a créé sa propre légende.
Notre avis : Nouveau film de Michele Placido (le comédien connu aussi pour avoir réalisé Romanzo criminale), L’ange du mal ou l’histoire vraie du célèbre gangster italien Renato Vallanzasca, démarre cette rentrée cinématograhique au quart de tour. Dans le sillage de la tendance biopic policier de ces dernières années (Mesrine pour n’en citer qu’un), le nouveau thriller gagne en vitesse de frappe, le rythme insoutenable d’un récit à cent à l’heure tiraillant entre attaques à mains armées, fusillades en pleine rue, courses poursuites, guerres de clans, emprisonnements, et évasions. Pas le temps de reposer la rétine que déjà la caméra rempile dans la violence de mouvements brusques, hachés, et discontinus, à l’image de cette vie dissolue que mène la bande de la "Cosamina". Mais limiter L’ange du mal à une belle illustration du genre serait réducteur. Car ce qui frappe dans le dernier long-métrage de Michele Placido, c’est le décor en arrière plan : celui de Milan dans les années soixante-dix. Ici il faut reconnaître l’excellent travail de Tonino Zera (déjà remarqué par notre équipe lors de la récente sortie de La prima cosa bella de Paolo Virzi), qui offre au cadre de ce film d’action une plus grande profondeur, par le choix d’une reconstitution fidèle faite de rues souillées et d’immeubles poussiéreux. Et si le film est centré, voire sur-centré sur le visage de Vallanzasca (ici Kim Rossi Stuart), le point de vue de la mise en scène semble se concentrer ailleurs... Dans les détails d’une misère sociale devenue phénomène de masse, dans les angles morts d’une violence alors quotidienne, ou peut être encore dans les silences d’une vie de solitude.
Le cinéaste n’a pour ainsi dire qu’un objectif : décrire l’homme derrière le meurtrier.
A ceux qui diront que la mise en scène se montre trop tendre face aux crimes et méfaits du milanais, Michele Placido rappelle que "c’est un film et non pas une enquête. Il ne condamne pas. Il n’acquitte pas. Il raconte une histoire". Et quelle histoire ! Si le livre Il fiore del male de Carlo Bonini et Renato Vallanzasca lui-même, dont le film s’inspire fortement, s’attarde sur l’enfance délinquante et la vieillesse en repentance du gangster, le scénario de Michele Placido (co-écrit avec l’acteur principal) se focalise sur les deux cent jours de Vallanzasca : ceux qui formeront sa légende. Un véritable vol noir du corbeau s’abat alors sur toute l’italie. Dans cette course à l’argent facile, au pouvoir et à la célébrité, l’on ne peut s’empêcher de regretter une plus grande attention à la caractérisation psychologique des personnages, notamment secondaires, qui, à la différence de Romanzo criminale, ne sont que très peu fouillés. Reste l’impeccable interprétation de Kim Rossi Stuart (alias "Il Freddo" dans Romanzo criminale), qui dans ce rôle nerveux et sanguin, revêt enfin l’étoffe d’un héros.
Intuitif et dans la retenue, l’acteur italien réussit malgré l’extraversion d’un personnage provocateur, à conserver durant les quatre-vingt dix minutes de film, un certain mystère. Un charme de jeu désuet qui colle parfaitement à l’image de Vallanzasca, plus connu en Italie pour son succès médiatique, ses conquêtes féminines et son sourire d’ange que pour ses multiples condamnations. Et c’est là toute l’originalité de l’histoire : celle d’un homme dont la popularité se gagne à la mesure de ses crimes. On pourrait ici facilement entreprendre une analyse sociétale condescendante sur la propension au spectaculaire dans les moeurs de nos voisins latins, mais se serait pure hypocrisie. Car voilà, nous aussi, comme des millions d’Italiennes, nous sommes sous le charme de cet homme,
qui, même quand il braque une banque, reste courtois : "Votre attention s’il vous plaît, tout le monde à terre, restez calmes, nous sommes des professionnels et tout se passera bien". Plus qu’un criminel, Vallanzasca est un acteur. Centrale, l’attention portée à son image alimente un récit entrecoupé de scoops (nombreux holds-ups) et coups de pubs (mariage stratégique avec son ennemi de toujours Turatello). L’opération marketing prend une ampleur assez surprenante entre les murs de la prison, qui loin du désordre extérieur, fonctionne sur un très efficace système de fidélisation. On garde en tête le très beau travelling en contre plongée sur les cellules d’isolements, dans lesquelles les prisonniers, à grands renforts de voix, crient les derniers exploits d’un Vallanzasca, planqué incognito parmi eux.
Un art de l’insolence sublimé lors de la séquence du procès (procès qui par sa sur-médiatisation ressemble plus à une conférence de presse qu’autre chose, laissant très peu de place au représentant de la justice), dans laquelle le présumé coupable, calme et confiant, sourit à l’énoncé de sa condamnation à perpétuité. L’un de ses rivaux nous dit de lui, qu’il a plus de couilles que de cerveau. Une impulsivité qu’il paiera cher à l’heure de la grande scène finale, faite de trahisons, de chutes, de réglements de comptes, et de musiques dramatiques dans la pure tradition du genre.
Excessif, cinglant, et aguicheur, c’est finalement par son humanité que L’ange du mal séduit : Je ne suis pas méchant, j’ai juste un côté obscur un peu prononcé. Une ombre au tableau cependant, la mise en scène lisse et classieuse sans prise de risque, qui prolonge sans densifier, une thématique déjà bien entamée dans Romanzo criminale. Un film panégyrique qui peut prêter à sourire comme à contestation.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.