Le 30 avril 2018
Dès le départ, la lutte est mal engagée. Pourtant, on finit par se prendre au jeu de ce débat intéressant sur un sujet brûlant d’actualité.
- Réalisateur : Michele Placido
- Acteurs : Anne Consigny, Ottavia Piccolo, Clémence Poésy, Violante Placido
- Genre : Drame social
- Nationalité : Français, Italien, Suisse
- Distributeur : Kanibal Films
- Durée : 1h28mn
- Date de sortie : 26 septembre 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Italie, de nos jours. L’avenir d’une usine de textile en faillite dépend désormais d’un grand groupe, Rochette&Co. Les nouveaux investisseurs posent certaines conditions afin de ne pas appliquer un plan de licenciement massif. Une circulaire demande expressément à toutes les ouvrières de réduire leur pause déjeuner de sept minutes, offertes gracieusement en productivité à l’entreprise. Cette injonction est comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des employées. Lors de la réunion des déléguées du personnel, dix femmes se mettent en accord pour approuver la circulaire. Cependant, une onzième et dernière représentante expose méthodiquement des arguments contraires. L’issue du vote, qui semblait pliée au départ, s’annonce progressivement incertaine...
Notre avis : Alors que la grogne sociale gagne du terrain de jour en jour, les réalisateurs européens n’en finissent plus d’analyser les conséquences de la crise économique et de la violence infligée au monde du travail. Certains optent pour la dérision (Eric Gravel avec Crash test Aglaé), d’autres jouent la carte de l’émotion (Prendre le large de Gaël Morel) ou de la compassion (Moi, Daniel Blake de Ken Loach, entre autres). L’Italien Michele Placido, acteur surtout connu pour son rôle dans la mafia et passé à la réalisation en 1990, choisit la voie de la rationalité pour défendre la dignité d’un groupe d’ouvrières prises au piège d’une situation inextricable en s’inspirant des événements qui ont secoué l’usine Lejaby à Yssingeaux en 2012.
- Copyright Kanibal Films Distribution
Pendant que dans le bureau de la direction, les frères Varazzi s’apprêtent à recevoir avec déférence la représentante du grand groupe international sur le point de reprendre leur usine en faillite, des femmes se préparent, comme elles le font tous les matins, à regagner leur lieu de travail. Mais aujourd’hui est un jour particulier puisque onze d’entre elles vont devoir décider du sort des 300 autres. Cette lourde tâche incombe tout particulièrement à Bianca (Ottavia Piccolo). Son ancienneté dans l’entreprise lui vaut de faire la liaison entre le patronat et les travailleuses, créant ainsi un sentiment ambivalent de méfiance et de respect. Elle est chargée d’annoncer aux dix autres représentantes du personnel cette exigence de la nouvelle direction : renoncer à sept minutes de pause-déjeuner pour éviter la fermeture définitive de l’usine. Beaucoup sont tentées d’accepter. Car finalement, ce petit supplément de travail vaut bien la sauvegarde de tous les emplois. Pourtant, à coups d’arguments implacables, Bianca retourne la situation. Renoncer à 7 minutes sur cette pause-déjeuner qui a déjà été régulièrement rognée, c’est faire cadeau à l’entreprise de 900 heures mensuelles, c’est laisser au patronat la possibilité de renouveler ce type de chantage à la moindre occasion, enfin et surtout c’est brader à bas prix sa dignité de salariée. La discussion s’engage, âpre et tendue.
- Copyright Kanibal Films Distribution
Il faut d’abord en passer par une mise en place un tantinet fastidieuse pour pouvoir accéder au cœur d’un débat brillant car richement argumenté. Le flm montre une opposition : d’un côté quelques patrons italiens se révèlent serviles face à une repreneuse française incarnée par Anne Consigny, actrice souvent inspirée mais qui a ici un rôle caricatural où elle passe sans nuance du paternalisme mielleux à un autoritarisme exacerbé, son personnage étant pressé de régler au plus vite ce détail mineur pour elle afin d’être à l’heure afin d’assister à l’anniversaire de son petit-fils. De l’autre côté des femmes sont empêtrées dans un quotidien pesant, cette opposition enfonce lourdement le clou du sempiternel clivage dominants/dominés.
- Copyright Kanibal Films Distribution
Fort heureusement, l’arrivée de nos onze héroïnes, isolées du monde au cœur de cette salle de verre, scelle le début d’un huis clos dont le rythme soutenu n’a aucun mal à soutenir l’attention du spectateur. La caméra prend le temps de s’arrêter sur les visages pour rendre compte du point de vue de chacune, de ses réactions, des ses aspirations, et nous offre ainsi une étude sociologique passionnante sur le parcours de ces femmes de cultures et de conditions différentes (deux sont étrangères, l’une est handicapée, certaines viennent d’intégrer l’entreprise alors que d’autres y ont fait toute leur carrière) permettant ainsi d’aborder (sans toutefois prendre le temps de les approfondir) quelques-uns des thèmes cruciaux de nos sociétés occidentales, parmi lesquels le racisme, la pauvreté et le choc des générations.
Malgré un début déroutant, 7 minuti écrit en collaboration avec Stefano Massini, auteur de la pièce de théâtre du même titre, offre une réflexion pertinente sur l’actuelle condition ouvrière dans toute l’Europe.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.