Passionnément, à la folie
Le 8 avril 2003
Qu’est-ce que l’amour ? À quoi ça sert, l’amour ? Pourquoi ne peut-on pas vivre sans amour ?
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Ecrivant au plus près de son intimité, Camille Laurens s’interroge encore et toujours sur l’amour, fouille l’insaisissable, et le met hors de portée en soulignant la distance entre illusion et réalité. Impudique et bouleversant.
Depuis une douzaine d’année qu’elle est publiée, Camille Laurens n’a jamais caché que son principal matériau était elle-même, mais s’amusait à laisser planer le doute par d’élégants jeux de miroirs et de très malignes pirouettes. Elle était "je" et une autre, fiction et réalité. Pas vue, pas prise. Le secret est derrière les mots.
Retournement de situation avec L’amour, roman. Violemment, elle déchire le voile de pudeur et d’autodérision tissé dans ses textes [1], pour une mise à nu face à son perpétuel questionnement : qu’est-ce que l’amour ? à quoi ça sert, l’amour ? pourquoi ne peut-on pas vivre sans amour ? La réponse se trouverait-elle dans la chanson populaire, celle de Joe Dassin ou de Dick Rivers ? Faut-il plutôt chercher dans les livres ("A quoi servirait la littérature si elle ne nous apprenait pas à aimer ?") ? Camille Laurens appelle ses auteurs de chevet à la rescousse, Sade, Géraldy et surtout La Rochefoucauld qu’elle réinvente à la lumière de ses interrogations. Autre pelote à démêler, celle de la famille qui la fait plonger dans sa généalogie pour tenter de comprendre comment peuvent se retrouver les sexes opposés, aux espoirs et aux rêves opposés. Le constat est brutal, sans appel : les femmes seront toujours "à leur fenêtre", belles au bois dormant attendant leur prince charmant, tandis que les hommes persisteront à vagabonder, capitaines Achab en quête de leur Moby Dick. Alors se rencontrer dans ces conditions, explorer ensemble les Terres Inconnues de la Carte du Tendre...
Dans une situation de triangle classique - la femme, le mari, l’amant -, l’urgence se fait encore plus forte de percer le secret. D’une manière à la fois très cérébrale et très hardie (très 17e siècle en fait), Camille Laurens décortique l’importance vitale du désir, le sien et encore plus celui de l’autre. "Quelque chose en lui préservait quelque chose en moi", observe-t-elle. A fouiller ainsi, à sonder les tréfonds de son coeur, l’auteure ose enfin regarder en face ce qui fait souffrance insupportable et par là même donne la clé du titre de son livre : l’amour ne serait qu’un roman, qu’une fiction, "...des mots, oui des mots, arc-boutés contre l’ennemi - le temps".
L’amour en paravent contre la vieillesse et la mort, et l’écriture pour survivre à l’effroi. Quitte à tout donner en vrac, brut de décoffrage. Quitte à meurtrir ceux qu’on aime ou qu’on a aimés. Poignant appel au secours d’une femme en pleine crise d’identité. Camille Laurens brise ses tabous et le lecteur la suit pas à pas, envoûté par son écriture magnifique, ramasse les mots jetés à vif, l’accompagne jusqu’à son épilogue où elle largue les amarres et se réapproprie son nom, son vrai nom. Pour en faire quoi ? Pour aller où ? Et à quel prix ?
Camille Laurens, L’amour, roman, P.O.L., 2003, 270 pages, 19 €
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