Ce qui intéresse Camille Laurens, elle le dit tout de go, c’est la différence des sexes, unique objet de ses réflexions. Quel est le mystère de ceux du genre qu’on n’a pas ? Pourquoi est-on parfois si bien, parfois si mal dans ces bras-là, ceux de la chanson de Guy Béart repris en titre de ce roman-patchwork ?

Une centaine de courts chapitres pour ne jamais faire le tour de la question. Passant en revue en les juxtaposant les hommes de sa vie - le mari, le père, le premier amour, le psy, le professeur, l’éditeur, l’inconnu, l’amant et tant d’autres -, l’auteure se fait l’exploratrice de leurs terres secrètes. A petits coups de zapping, avec humour, tendresse, rage parfois, émotion toujours et beaucoup d’autodérision. Ajoutez à cela un style feintement spontané, extrêmement brillant, une belle qualité de composition, et vous comprendrez pourquoi le jury du Femina et celui du Renaudot lycéens en ont fait leur lauréat 2000.

Subtil et sensible catalogue en forme de "double construction imaginaire" pour gommer l’illusion de l’autobiographie. Camille Laurens écrit ce qu’elle voit de ceux qui vivent sur la rive opposée. Le lecteur découvre ce qu’ils font d’elle. "Quelle femme [elle] devient en inventant cet inventaire", chant d’amour et de désespoir aux distances qu’on ne peut abolir, à la mort qu’on ne peut repousser, à la vie qui ne vaut d’être vécue que dans ces bras-là...