Littérature
Le 20 mars 2002
Dans l’Italie des années 50, Carlo Emilio Gadda réinvente un langage pour dire un pays bouleversé par l’industrialisation et la perte de ses repères. L’Italie elle-même devient le personnage d’un roman qui défie les genres et se veut métaphore de la complexité d’un peuple.
- Auteur : Carlo Emilio Gadda
- Editeur : Points
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Italienne
L'a lu
Veut le lire
L’affreux pastis de la rue des Merles paraît en 1957 et s’inscrit d’emblée comme un événement dans les lettres italiennes. Gadda a alors 64 ans, et ce Pastis l’accompagne depuis presque 20 ans. Il commence à y travailler en 1938 et le rédige une première fois en 1947. Mais il le remaniera encore pendant 10 ans avant de parvenir à la version définitive.
L’histoire n’est qu’un prétexte. On s’y perd, et ça n’a sans doute guère d’importance. Vol de bijoux, meurtre mystérieux... ça ou autre chose... les fenêtres et les portes s’ouvrent, les voix montent, la rue des Merles s’affole, s’agite, s’émeut. La rue des Merles, c’est Rome, c’est toute l’Italie, avec ses dialectes, ses accents, ses drames, ses excès. Et c’est bien là qu’est la véritable histoire. L’inspecteur Ingravallo peut bien mener l’enquête, qu’importe... Les confidences qui viennent à lui escamotent le fait divers derrière le brouhaha étourdissant de l’Italie telle qu’on la cause. C’est l’affrontement des dialectes, la querelle des accents, l’escalade sonore.
On pense bien sûr au Joyce de Finnegan’s wake, dans cette quête de langage absolu. Ici, on est à recherche du langage de l’Italie, non pas dans un nivellement linguistique mais dans une tentative d’organisation de cet éclatement, dans une trituration du langage, maïeutique babélienne qui donnerait naissance à la langue originelle. Gadda nous laisse, avec cette logorrhée affolante, l’éternelle question de la traduction. Que faire de ces textes dont l’essence est le jeu des mots, comme autant de défis linguistiques ? On peut relire Le jabberwock, reprendre Joyce à la loupe, ou, par curiosité, savourer la traduction espagnole de La disparition... On applaudit la performance. Mais ce Pastis, à travers sa virtuosité linguistique, raconte les hommes et leurs cultures. Alors, que traduire ? Ce serait un peu comme ces saveurs anisées, qu’on ne goûte vraiment qu’au bord de la Méditerranée.
Carlo Emilio Gadda, L’Affreux pastis de la rue des Merles, (Quer pasticciaccio brutto de via Merulana, traduit de l’italien par Louis Bonalumi), Points, 320 pages, 7,50 €
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.