Le 14 novembre 2016
- Scénariste : Tristan PERETTON >
- Dessinateur : Ivan BRUN
- Genre : Drame, Fantastique, Chronique sociale
- Editeur : Éditions Tanibis
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 8 novembre 2016
Percutant comme un coup de poing graphique.
Les mots manquent pour décrire l’œuvre de Tristan Peretton (roman paru en 2005) et Ivan Brun (dessin) : percutante dans son sujet, agressive dans son format, réaliste dans sa trame, écœurante par son approche, marquante à bien des égards... Prof. Fall est un album qui ne peut laisser indifférent, car il est profond et frappant. Profond comme cette fascination de la chute, au sens propre comme au sens figuré, avec cette perpétuelle tension suicidaire et cette envie continue de toucher le fond, celui d’un homme comme celui de l’humanité. Frappant car ses thèmes font mal : du mal-être de la vie dans les barres HLM, de la prostitution dans la banlieue de Lyon, jusqu’aux massacres dans les campagnes angolaises, en passant par les rites sacrificiels... Tout paraît tellement vrai qu’on se sent mal à l’aise, l’estomac retourné par des pages qui claquent, qui montrent des éléments perturbants tantôt terriblement morbides, tantôt très quotidiens, sans savoir lequel des deux est le plus choquant. La lecture est difficile car la narration est saccadée, découpée entre plusieurs histoires, toutes reliées : Michel est un employé de la Sécu, menant une vie qu’il trouve passable, et qui va être bouleversée le jour où il croise le regard de Domingues, un ancien mercenaire proxénète. Il va alors avoir des visions de l’ancienne vie du soldat, engagé en Afrique, tueur de prostituées en France. Conscient de sa folie, il va mener sa propre enquête, s’enfermant, se repliant chaque fois un peu plus au gré des cauchemars ou visions. Au milieu, des parenthèses s’ouvrent sur la vie en avance rapide d’un clochard, d’une grande-tante, d’un officier adolescent d’une armée révolutionnaire... Tout cela avec une limpidité journalistique, une objectivité réaliste, mais aussi un flot d’émotions à disposition, qui fait osciller l’album entre un compte rendu de reportage mené par l’ONU et les exactions fictives d’un Jonathan Littell dans ses Bienveillantes.
© Éditions Tanibis
Les immenses pages blanches striées de noir achèvent de donner un rendu glauque à l’ensemble. Rappelant l’excellente adaptation du Rapport de Brodeck par Larcenet, Prof. Fall exerce également un charme envoûtant et malsain dès les premières pages. Des tours d’habitations de béton des cités françaises aux charniers des combats de l’Angola ou du Mozambique, chaque lieu est approprié sans clinquant, avec cependant son lot de symboles, surtout dans les pages qui marquent un nouveau chapitre. La mort et le sexe sont effectivement étroitement liés dans un ballet repoussant, car appelant aux racines sauvages de l’être humain. Cette part d’ombre qui découle de toute guerre, de tout conflit, même si le viol et l’abandon de la dignité des femmes touchent aussi les zones périurbaines de toutes les nations européennes, pourtant en paix. Les dessins explicites, tout comme les ombres implicites contribuent à créer d’abord un album de la dépression, puis un polar fantastique, avec une lignée finale d’horreur érotique. Dans tous les cas, une ambiance de contrastes , où l’obscur prend sensiblement l’avantage sur le clair.
© Éditions Tanibis
Étincelant dans sa dépravation, assourdissant dans ses dénonciations, Prof.Fall est plus qu’un album, c’est une volonté. C’est vouloir montrer avec un œil neuf ce que notre monde implique, à dix minutes ou à un continent de chez nous, tout en jonglant avec le mysticisme et la dépression, raconter la vie quotidienne et la fange, dans un récit alliant dégoût et finesse.
176 pages - 24€
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.