On ne meurt que trois fois
Le 8 juillet 2011
Le dernier film du vieux maître Nobuo Nakagawa est un exercice de style virtuose qui amuse, surprend sans cesse et parvient même à émouvoir.


- Réalisateur : Nobuo Nakagawa
- Acteurs : Junko Miyashita, Fumihiko Fujima, Shôji Ishibashi
- Genre : Fantastique
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h18mn
- Titre original : 怪異談・生きてゐる小平次 - kaidan ikiteiru koheiji
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/...
- Festival : Art Theatre Guild of Japan (ATG) ou La fabrique d’auteurs

L'a vu
Veut le voir
– Sortie au Japon : 4 septembre 1982
Le dernier film du vieux maître Nobuo Nakagawa est un exercice de style virtuose qui amuse, surprend sans cesse et parvient même à émouvoir.
L’argument : Koheiji, acteur ambulant, est amoureux d’Ochika, la femme de son meilleur ami Takurô. Il est prêt à tuer ce dernier pour être avec elle. Lorsque les deux hommes en viennent aux mains sur une barque, Koheiji tombe à l’eau et se noie. Mais son fantôme ne cesse de revenir...
Notre avis : En 1982, à 77 ans, le vieux maître Nobuo Nakagawa (Jigoku - L’enfer), reprenait du service après treize ans de retraite et clôturait sa longue carrière (entamée en 1938) en revenant à un genre dans lequel il s’était tout particulièrement illustré : le Kaigan eiga (film de fantômes).
Certes le contexte de production n’était plus le même qu’à l’époque où, pour la Shin - Tôho, il tournait Le manoir du chat fantôme (1958) ou Tôkaidô yatsuya kaidan - Histoire de fantômes japonais (1959), petits bijoux du fantastique alliant une indéniable efficacité spectaculaire à une stylisation extrêmement poussée. Mais le cinéaste, travaillant cette fois pour la très auteuriste ATG, profitait de la carte blanche qui lui était accordée pour aller jusqu’au bout de ses choix esthétiques et
réaliser son oeuvre la plus accomplie.
Dans kaidan ikiteiru koheiji, adaptation d’une pièce de Senzaburo Suzuki, c’est encore une fois l’univers du théâtre kabuki que Nakagawa convoque à l’écran, laissant même croire, pendant le premier tiers du film, que toute l’action va se dérouler dans le huis-clos de décors de studios.
Les trois personnages (le mari, la femme, l’amant) étant des acteurs, le spectateur ne sait jamais très bien s’ils sont en train de répéter leurs rôles, comme le maquillage et les inflexions de voix le laissent supposer, ou si c’est pour de vrai.
Ce va-et-vient constant entre réalité et théâtre donne beaucoup de saveur aux premières séquences mais risquerait de lasser si le cinéaste ne savait relancer l’intérêt en ménageant des surprises et en changeant la donne en cours de route (ouverture sur l’extérieur, introduction du fantastique puis de l’horreur).
Le film, qui ose de saisissants effets visuels (la pastèque, les yeux rouges du crucifié), ressemble à un parcours d’obstacles, Nakagawa s’étant fixé un maximum de contraintes à respecter (à commencer par l’absence de tout personnage secondaire) et parvenant toujours à trouver des solutions de mise-en-scène ingénieuses et élégantes sans recourir aux effets spéciaux ni aux excès d’hémoglobine.
D’une virtuosité souvent époustouflante, kaidan ikiteiru koheiji est pourtant plus qu’un brillant exercice de style et si l’humour y est omniprésent (l’increvable Koheiji, le dur à faire mourir, dont le fantôme ressurgit obstinément) une émotion liée au sens du dérisoire empreint cette histoire d’amour à mort, ou plutôt d’idée fixe, scandée de bruits de tambours et portée à un haut degré d’intensité jubilatoire par un trio d’acteurs en grande verve.
© 1982 ISODA OFFICE / ART THEATRE GUILD OF JAPAN CO., LTD. All Rights Reserved.