Le 28 septembre 2018
Népal conclut sa série d’EP, conçue comme la fin d’un cycle avant l’album. Pour l’occasion, le rappeur exacerbe son style pour un nouveau voyage reposant dans l’esprit blasé d’un japonais dans l’âme.
- Durée : 29mn
- Date de sortie : 23 septembre 2018
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- Copyright : 75e Session
Notre avis : On pourrait pendant longtemps épiloguer sur le rapprochement que Népal opère avec Kakashi. Tout bon connaisseur de Naruto connaît le sensei légendaire de ce manga culte, et tout bon connaisseur du rappeur de la 75ème Session connaît son appétence pour la culture japonaise. Toujours aussi clivant, le rappeur insomniaque débarque avec un nouvel EP en forme de fin de cycle, l’occasion pour le MC d’exacerber son style, à commencer par l’intitulé de son projet, plus obscur que jamais, en tout cas pour les non-connaisseurs du manga de Masashi Kishimoto. Qu’il se projette explicitement dans Kakashi n’a finalement rien de surprenant. Les deux personnages partagent beaucoup et un petit tour dans le Naruto Wiki de Kakashi, section Personnalité, reviendrait à cocher une checklist aussi longue qu’une tracklist de Jul, au point que cela en devient troublant. Il aura fallu nous mettre l’évidence sous le nez pour qu’on la découvre (faut dire que j’ai un peu lâché Shippuden en cours de route). Et KKSHISENSE8 est le projet de l’évidence. L’évidence que la musique de Népal ne ressemble à aucune autre et qu’elle nécessite une phase d’adaptation et de patience pour pouvoir la comprendre et se laisser pleinement emporter par elle.
- Beaucoup trop scred le Népal, une galère pour dénicher des visus...
Pour cet EP, le rappeur ne change pas sa recette mais vient la transcender. 444 Nuits s’était distingué par une nonchalance dans le phrasé et une puissante mélancolie dans l’esprit, KKSHISENSE8 ressert cette vibe immersive. La redite marque ce projet dans les ressentis procurés autant que dans la construction de textes, convoquant alors le cercle noir (Ouroboros ?) sur la pochette. De cette pochette l’envie prend d’ironiser sur ses divers éléments, de ce motif peint par le rappeur parisien à la réaction dubitative de ses acolytes, sorte de fixation photographique de l’état mental lorsque l’on essaye de comprendre les textes du Népal à la première écoute. Jusque dans ce visuel se retrouve le caractère abscons et mystérieux de l’univers du rappeur anonyme, imageant avec simplicité l’aspect retors de son rap. Plus épuré que son prédécesseur, KKSHISENSE8 déroule avec une fluidité déconcertante ses huit titres tranquilles. Conviant parfois la douce mélancolie de Nujabes (sur Babylone particulièrement), cet EP emprunte la voie du minimalisme posé pour habiller les rimes décousues de son auteur tourmenté. L’atmosphère de ce nouveau projet sonne moins futuriste, plus simple dans les arrangements, comme si Népal revenait à une formule plus en phase avec les "traditions", quand ces 445 premières nuits exploraient une voie assurément moderniste. Deux faces d’une même pièce (ou d’un même pays), mais bien constitutives d’un même monde.
- ... On déterre les archives, on fait comme on peut
Derrière son masque, le rappeur ne change pas de mentalité. Il reste le mec un brin aigri et stressé, observateur détaché de son environnement. Népal, c’est un peu le mythe du rappeur branleur. Son jutsu peut sembler rudimentaire, son attitude apathique et sa cohérence textuelle inexistante, cela ne représente que la fumée qui cache le talent. Si le rap du parisien affiche une certaine facilité, elle prend son origine dans son aisance à balancer de la rime comme sortant tout juste de son l’esprit. La plupart des morceaux prennent des formes de confessions et de réflexions pleines de spontanéité, alors que la recherche constante de la musicalité des mots amènent une richesse langagière et mélodique insoupçonnée (car paraissant très aisée à reproduire), offrant des phases impressionnantes de technicité (le deuxième couplet de Teczer). La posture d’homme blasé et cynique continue d’être entretenue avec soin alors que Népal affiche un level up technique dans sa manière assez unique de toujours plus voguer d’une langue à une autre ou d’une référence à une autre le tout sans forcer. Cette habilité à poser d’un flow quasi-endormi donne aux textes une densité supplémentaire. Ne pas comprendre chaque rime est une chose (je comprendrai tout le premier couplet de Evisu quand Doum’s sortira un premier album) mais jamais rédhibitoire lorsqu’il s’agit de pénétrer dans le cerveau du rappeur. L’imagerie déployée est si puissante qu’elle enveloppe instantanément l’auditeur dans une bulle planante, comme l’impression de survoler une mégalopole japonaise ou un quartier parisien la nuit. Voilà la grande force de Népal, parvenir à dépasser la barrière de la langue pour malgré tout réussir par la musique à envoûter son public, et cette force imbibe plus que jamais l’encre de son pinceau. Le regard est à la fois lucide mais décalé voire déphasé, effet d’une fatigue qui offrirait une manière inédite de voir les choses. Et nul besoin de drogue ou d’insomnie pour ressentir les mêmes effets. Ecouter KKSHISENSE8 suffit.
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