Le 16 juin 2019


- Metteur en scène : Serge Aimé Coulibaly

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La marche du peuple de Serge Aimé Coulibaly a la tonicité d’une sarabande malienne. Pulsé par la musique de Rokia Traoré, chacun y chante ou danse la vie, seul et en compagnie, pour donner un sens au voyage. Entre quête philosophique et épopée historique, Kirina est une chanson de gestes réussie de ce chemin identitaire, qui est aussi nécessairement le nôtre.
Résumé : L’épopée chorégraphique et musicale d’un peuple en marche. Serge Aimé Coulibaly, en collaboration avec la compositrice malienne Rokia Traoré, réunit neuf danseurs, deux chanteuses, cinq musiciens, un narrateur et une vingtaine de figurants pour explorer un thème qui lui est cher : celui d’un peuple en marche. Les grands mouvements de population, quels que soient les époques, les pays, les continents, font résonner des peurs et des déterminations, des passés et des avenirs, des transformations. Aux confluences des grandes tragédies grecques autant que des mythes bibliques et africains, Kirina est le théâtre des batailles et des célébrations, des sacrifices et des unions où Serge Aimé Coulibaly déploie un vocabulaire dansé, basé sur la violence intérieure et la fragilité. Dans cette fresque où la danse est une marche et la marche est transformation, se met en mouvement un récit sans âge, à la symbolique paienne, évoquant la nécessité de la migration.
Notre avis : Le vibrant balafon donne le tempo des traversées de scène. Les danseurs passent de cour à jardin. Le plateau est une étape de ce premier tableau où les artistes viennent expliquer ce qu’ils cherchent par leur art. Ils cherchent la lumière proclame le conteur, tandis que tous dansent autour de lui. On se perd un peu dans la proposition, comme on écoute difficilement un propos dans le brouhaha d’une foule. On s’attarde sur le travail des souplesses, des contorsions, on apprécie jusque dans le détail, le travail de ce chorégraphe généreusement prolifique, au risque d’être un poil bavard. La ritournelle funk ethno tend son filet et rattrape notre attention dans cette narration un peu confuse.
Le second tableau emprunte à la transe initiatique et ses fièvres. Les danseurs de la troupe, blancs et noirs, expriment par leurs tremblements dynamiques, leurs pirouettes acrobatiques, le réveil de la conscience d’un destin. Une intensité joyeuse grimpe les gradins jusqu’au spectateur. L’oeuvre gagne crescendo en relief sur fond de guitare pizzicato. Les duettistes vocales déambulent au milieu des performances des danseurs en chantant puissamment dans leur langue. A ce propos, une traduction des paroles comme cela se pratique à l’opéra, permettrait d’enrichir le plaisir de l’écoute de ce chant exotique. On suppose qu’elles racontent la bataille féodale de Kirina... Le troisième tableau organise les danseurs en groupe, dans la cohésion ou dans l’affrontement. Des colonnes de carrés de tissus rouges, qui forment le décor, sont défaites pour se costumer. Lancés au sol ou au ciel, ou en signe de rejet à la face de cette danseuse seule, les coupons volent. C’est simple et plaisant. La tribu déambule dans une harmonie de ralentis et de noubresauts, fascinant glissement entre espoirs et souffrances. Enfin, le rejet et l’affrontement dressent esthétiquement les corps combattants.
- © Philippe Magoni
Les danseurs de la troupe sont beaux, avec du caractère, choisis avant tout pour ce qu’ils sont. Tout n’est pas absolument réglé au millimètre dans cette production, mais ce sont aussi ces imperfections qui attirent notre sympathie. On s’identifie à cette population, plus que devant un coryphée de ballet classique.
Un danseur seul clôture le dernier tableau, enjambant tous les corps au sol. Une nouvelle proposition qui rompt avec l’esthétique des tableaux précédents. Est-ce là la figure de l’homme nouveau, celui qui apparaît au bout du chemin ? Etait-ce nécessaire ?
Kirina est un spectacle honorable, pour reprendre une des phrases litaniques du griot : au-dessus de l’honneur, il y a encore l’honneur. Souhaitons ce progrès pour les oeuvres à venir de Serge Aimé Coulibaly et ré-énergisé(e)s par ce spectacle, pour nous mêmes, nécessairement.
Kirina (Trailer) from Faso Danse Theatre on Vimeo.
Chorégraphie : Serge Aimé Coulibaly
Musique : Rokia Traoré
Livret Felwine : Sarr
Dramaturgie : Sara Vanderieck
Scénographie : Catherine Cosme
Costumes : Salah Barka
Lumières : Nathalie Perrier
Vidéo : Ève Martin
Danseurs : Marion Alzieu, Serge Aimé Coulibaly, Ida Faho, Jean-Robert Koudogbo Kiki, Antonia Naouele, Adonis Nebié, Ali ‘Doueslik’ Ouédraogo, Daisy Phillips, Issa Sanou, Sayouba Sigué, Ahmed Soura
Musiciens : Ali Keita, Oussouf Keita (balafon), Saidou Ilboudo (batterie), Mohamed Kanté (basse), Adriano Viterbini (guitare) Chanteuses Naba Aminata Traoré, Marie Virginie Dembélé