Les égouts de l’enfer
Le 9 mai 2024
Premier grand film de Wajda, ce récit de la fin tragique de l’insurrection de Varsovie n’a pas pris une ride, et confirme l’importance de son réalisateur dans l’histoire du cinéma.
- Réalisateur : Andrzej Wajda
- Acteurs : Teresa Izewska, Tadeusz Janczar, Wienczyslaw Glinski, Stanislaw Mikulski, Emil Karewicz
- Genre : Drame, Historique, Film de guerre, Noir et blanc
- Nationalité : Polonais
- Distributeur : Malavida Films
- Editeur vidéo : Malavida
- Durée : 1h37mn
- Reprise: 4 décembre 2019
- Titre original : Kanal
- Date de sortie : 12 mars 1958
- Festival : Cinémathèque de Nice, Festival de Cannes 1957, Festival de Cannes 2019
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Résumé : 1944. L’insurrection de Varsovie. Acculés, épuisés, et encerclés par les Allemands, un détachement de soldats et résistants est contraint de fuir par les égouts pour rejoindre le centre-ville où les combats se poursuivent encore. Tous ont une histoire, tous ont peur de mourir, tous ont tellement envie de vivre.
Critique : Injustement un peu oublié des anthologies du cinéma, Andrzej Wajda n’est pas seulement le plus grand cinéaste polonais (avec Kieslowski et Polanski) ; c’est aussi un artiste profondément humaniste, qui a su concilier esthétisme et profondeur de point de vue. Même si ces vingt dernières années ont un été un peu décevantes, les films réalisés entre Kanal (1957) et Danton (1983) comptent parmi les créations majeures d’un style mêlant classicisme et modernité.
- Copyright Malavida
Prix spécial du Jury à Cannes en 1957, Kanal est composé de deux parties. La première narre, avec une louable économie de moyens, les combats désespérés menés par un groupe de résistants dans un Varsovie laminé par les bombardements allemands. L’ennemi est rarement filmé, et le réalisateur excelle à dépeindre ce mélange paradoxal de combativité, découragement, solidarité et peur, qui atteint un microcosme représentatif de la résistance polonaise. La seconde partie, d’une noirceur totale, relate la fuite dans les égouts. La tonalité tant naturaliste que surréaliste est saisissante, et un superbe noir et blanc crée à merveille une sensation d’étouffement. Wajda ne cherche pas les effets : si la partition musicale est d’un beau lyrisme expressionniste, elle ne surligne jamais l’action ; si les drames individuels rejoignent le malheur collectif, jamais la mise en scène ne verse dans le misérabilisme et l’émotion facile. La plus belle séquence montre un jeune couple apercevant la lumière au bout d’un tunnel. Leur étreinte de joie est de courte durée car la sortie est impossible : les Allemands ont grillagé le tunnel. L’homme étant invalide et ne pouvant marcher, le couple ne pourra que rester assis en attendant la fin. Wajda est également subtil dans ses métaphores politiques : la dislocation des membres qui se perdent dans les égouts symbolise la déstabilisation de l’unité nationale, et l’inactivité des Soviétiques, jamais évoquée explicitement, n’en est que plus évidente. En 1992, un autre récit des événements, Warszawa de Janusz Kijowski, ampoulé et grandiloquent, sera sifflé à la « Quinzaine des Réalisateurs » cannoise.
- Copyright Malavida
Il n’est pas surprenant que les grandes nations alliées ont toutes eu « leur » film de la résistance : si Rome ville ouverte de Roberto Rossellini (1945) est la pierre fondatrice du néoréalisme italien, La bataille du rail de René Clément annonce la Qualité française pré-Nouvelle Vague. Kanal se situe esthétiquement entre ces deux courants, et évite deux écueils d’un certain cinéma d’Europe de l’Est de l’époque : la rhétorique héroïque et le manichéisme inhérent au réalisme socialiste.
Gérard Crespo
LE TEST DVD
Les suppléments
Bonus :
Interview du réalisateur Andrzej Wajda, emblématique de son Pays, dont il narre si bien les blessures et les difficultés d’exister en tant qu’Etat-nation reconnu (2004 - 25 minutes - VOSTF).
Entretien avec Ian Jezioranski qui prolonge le premier tout en apportant un éclairage différent sur un réalisateur humble et hypercritique envers sa filmographie (2004 - 29 minutes - VOSTF).
Un livret de 20 pages :
C’est le supplément -magnifique à souligner- propre à cette édition collector.
Il s’ouvre sur un entretien d’Andrzej Wajda par Maria Ratschewa qui s’intéresse surtout à l’émergence du réalisateur après sa sortie de l’école cinématographique de Lodz. Saviez-vous que Andrzej Wajada avait étudié préalablement les beaux-arts à Cracovie ? Le cinéma lui a plutôt excellement réussi par la suite, non ?
Une première analyse nous est proposée ensuite et s’intitule "Kanal ou Ils aimaient la vie" par Klaus Eder. Le film doit beaucoup au scénariste Jerzy Stefan Stawinski, ayant combattu dans l’AK lors de l’insurrection de Varsovie. La photo de Jerzy Lipman est magnifique notamment dans lors du prologue dans les égouts.
Un entretien vient s’intercaler ensuite avec toujours Andrzej Wajda par Boleslaw Michalek. On y découvre un réalisateur qui préfèrera presque toujours tourner en Pologne. Il n’a jamais souhaité se brûler les ailes à Hollywood. Ses films coup-de poing et poignants ont permis d’attirer les yeux du monde sur son pays.
Une deuxième analyse vient clore le livret. L’auteur en est Philippe Parrain. Le titre la résume parfaitement : "Les spasmes de l’agonie - Cendres et Diamant et Kanal ou les résurgences de l’expressionnisme". Wajda expressionniste ? C’est tout à fait valable si nous nous fions des aspects inhérents à sa manière de diriger un film.
L’image
La lecture du DVD ne pose aucun problème technique. La qualité de l’image est excellente car restaurée, et le noir et blanc d’origine a été conservé.
Le son
Le son est aussi d’excellente facture. La musique classique qui accompagne le long-métrage permet d’en renforcer la profonde tension dramatique.
Éric Françonnet
Test DVD/Bluray
- Sortie en DVD Malavida Collector le 22 octobre 2020
Galerie photos
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