Le 14 juin 2012
Un documentaire fidèle à la démarche de Raymond Depardon, tout en évoquant des jalons de son parcours.
- Réalisateurs : Raymond Depardon - Claudine Nougaret
- Genre : Documentaire
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Editeur vidéo : Arte Vidéo
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 13 juin 2012
- Festival : Festival de Cannes 2012
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Critique : Ce documentaire a trois niveaux de lecture. Il s’agit d’abord d’un projet de Depardon d’effectuer un tour de France de plusieurs villes et villages afin de photographier des édifices, rues et habitants. On entre un peu dans un road movie où l’artiste recherche des lieux qui ont marqué son passé, sans oublier d’échanger des propos, anodins ou non, avec des autochtones tels ces petits vieux installés devant la devanture d’un café ou ce coiffeur pour hommes inquiet par l’éminente fermeture de son salon. On retrouve ici le meilleur Depardon humaniste, celui de La vie moderne qui donne la parole à des gens ordinaires ayant une existence balisée mais dont les propos révèlent une touchante dignité. Le second aspect de Journal de France est la volonté de constituer un long métrage avec des bouts de films inédits éclairant la personnalité et le style du cinéaste photographe : mini-reportages, caméra à l’épaule, dans Paris ou à l’occasion de défilés militaires en Afrique, premier entretien avec Claudine Nougaret, interview express de Marie Rivière sur le tournage du Rayon vert de Rohmer... Ces courts instants marquent l’évolution du style du cinéaste qui donne de plus en plus de place à la parole et tente de capter ces petits riens qui en dévoilent bien plus que de longs discours et démonstrations didactiques. Journal de France est enfin une chronologie de l’œuvre de cinéma de l’auteur, avec cette parenthèse notoire de l’interview de Françoise Claustres, archéologue prise en otage par des rebelles tchadiens : Depardon réussit à la faire diffuser au journal télévisé, suscitant une vive émotion chez les téléspectateurs, mais l’épisode ne fut pas du goût du gouvernement français de l’époque, qui le poursuivit en justice. Car Depardon est aussi un cinéaste politique, naguère emprisonné quelques jours par les autorités soviétiques lorsqu’il voulut filmer les résistants du printemps de Prague, plus tard réalisateur de 1974, une partie de campagne, une commande de Valéry Giscard d’Estaing qui déplut au nouveau président et dut rester plus de trente ans dans les tiroirs. La méthode de Depardon, qui laisse sa caméra enregistrer sans intervenir lui-même, est d’une redoutable efficacité, traquant la stratégie de conquête de pouvoir d’un politicien, le désarroi de malades mentaux internés (San Clemente), le quotidien de policiers (Faits divers) ou juges d’instruction (10e chambre - Instants d’audience). On aurait aimé en savoir davantage sur cette fascination pour le désert, venue de son expérience professionnelle au Tchad et au Yemen, et qui devait inspirer son seul film de fiction, La captive du désert, avec Sandrine Bonnaire dans un rôle inspiré de Mme Claustres. Si Journal de France n’en demeure pas moins intéressant, c’est qu’il permet une approche globale de la carrière de Depardon ; véritable « documentaire sur un documentariste », il pourrait aussi tenir lieu de testament, n’était la certitude que l’auteur a encore bien des années de travail devant lui.
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