Le 30 novembre 2017
L’approche judiciaire sied toujours à Raymond Depardon, auteur complet de ses documentaires, et dont le projet s’enrichit par la thématique psychiatrique.
- Réalisateur : Raymond Depardon
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h27mn
- Date de sortie : 29 novembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Avant 12 jours, les personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées en audience, d’un côté un juge, de l’autre un patient, entre eux naît un dialogue sur le sens du mot liberté et de la vie.
Critique : Le dispositif de Raymond Depardon est le même que celui déployé dans Délits flagrants, 10e chambre - instants d’audience et, à un moindre degré, Faits divers : l’équipe du tournage est installée dans le bureau de l’administration judiciaire et filme, avec leur accord, la déposition des personnes concernées, ici internées à l’hôpital Vinatier de Lyon, ainsi que leurs échanges avec le juge. La singularité de 12 jours est de donner la parole à des individus soumis à des soins psychiatriques, loin des infractions au code de la route ou des délits de droit commun relatés dans les précédents films, encore que la santé mentale des protagonistes a pu aussi les confronter à de multiples déviances. Comme à son habitude, le cinéma de Depardon ne se contente pas d’être outil de documentation au service de la connaissance de l’appareil juridique français, même si 12 jours comporte une mine d’informations sur l’hospitalisation d’une personne contre son gré. Jadis, celle-ci reposait seulement sur un psychiatre. Les « aliénés » sont désormais des patients, qui ont droit à un regard extérieur. Depuis la loi de 2013, l’hôpital dispose de douze jours, à compter de l’admission du patient, pour saisir le juge des libertés et de la détention qui doit valider ou non le programme de soins.
- © 12 Jours - Palmeraie et désert
Pour permettre au malade de parler librement, son psychiatre n’est pas présent à l’audience. Le patient peut en outre faire appel de la décision du juge. Ce dernier n’exerce en rien une contre-expertise psychiatrique, et a seulement pour mission de vérifier que le dossier médical est complet et argumenté. La force du film de Depardon est de ne pas porter de jugement condescendant, ni envers les malades, ni envers les juges, et de présenter une vision objective des faits. Dans ce but, trois caméras ont été installées dans la salle d’audience : l’une pour le magistrat, l’autre pour le patient, et la troisième pour les plans généraux. L’égale distance ainsi obtenue, et la récurrence de plans fixes qui en résulte, donnent au film une objectivité et une sérénité bienvenues. « Même si nos films peuvent laisser penser le contraire, nous ne sommes pas plus attirés par les institutions que d’autres ; notre moteur est notre curiosité, notre force est notre naïveté ; nous ne sommes spécialistes de rien, nous tentons simplement de rester à l’écoute, de restituer des moments, des paroles, des émotions », ont ainsi écrit Raymond Depardon et la productrice Claudine Nougaret dans une note d’intention.
- © 12 Jours - Palmeraie et désert
Cela n’empêche par Depardon de se livrer, en filigrane, à une touchante réflexion sur la complexité de la santé mentale, les dix témoignages sélectionnés donnant une image terrifiante de la vulnérabilité sociale. De la salariée d’Orange ayant craqué suite à un sentiment de harcèlement à ce loup solitaire demandant des nouvelles de son père… qu’il a assassiné quelques années plus tôt, en passant par cette quadragénaire ne songeant qu’au suicide pour mettre fin à son sentiment d’isolement, les auteurs mettent implicitement en exergue la responsabilité de la société dans la rupture psychique des plus vulnérables. Et c’est là que Raymond Depardon se montre humaniste et moral sans être moralisateur. 12 jours confirme donc l’importance d’un réalisateur que l’on peut considérer comme l’unique auteur de ses films. Si une rétrospective de films était organisée sur le thème de la folie, 12 jours y aurait une place de choix, quelque part entre Vol au-dessus d’un nid de coucou et Shock Corridor.
– Film présenté hors compétition du Festival de Cannes 2017
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.