Le 23 août 2022
Un récit singulier à travers un point de vue totalement inédit, sans fioritures, celui d’un corps. Une expérience sensorielle remarquable, menée par le style épuré mais toujours souriant de Pennac, fait de découvertes, moments poétiques et anecdotes amusantes.
- Auteur : Daniel Pennac
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 9 février 2012
- Plus d'informations : Le site officiel de l’éditeur
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Résumé : Que vit un corps de la puberté à la fin de sa vie ? A travers ce journal, le narrateur raconte ce qu’il vit à travers ce corps masculin, né dans les années 1920, ses transformations, ses sensations, ses découvertes et ses douleurs.
Critique : On dit souvent que les écrivains se glissent dans la tête de leurs personnages pour les faire naître et connaître leur psychologie, leurs émotions, leurs souffrances. Cependant, l’œuvre de Daniel Pennac se veut plus originale. Il choisit ici de raconter une vie entière à travers ce qu’éprouve un corps. Il parvient à garder une grande pudeur tout au long de l’histoire, même s’il n’épargne rien au lecteur, des premiers émois sexuels et de leurs manifestations, aux plaisirs qui parsèmeront son existence, mais aussi les souffrances, la maladie, les désagréments liés à l’âge… Tout y est et pourtant, si l’expérience de notre corps nous est tous commune, la force du récit tient à cette capacité de mettre des mots sur cette intime familiarité.
Le Journal est d’abord adressé à Lison, fille du narrateur, alors que l’homme vient d’être enterré. Il tient à lui raconter son existence à travers ce « journal d’un corps » qu’il a tenu en tant qu’adolescent, homme, père et même grand-père. Pourquoi l’adresser à sa fille ? Parce qu’en livrant un tel récit avec facétie, le narrateur parvient à transmettre toute la tendresse pour ce corps, qui ne lui a rien épargné, mais qui l’a rendu tellement vivant. Un clin d’œil affectueux à celle qui lui survit.
« En pleurant, on se vide infiniment plus qu’en pissant, on se nettoie infiniment mieux qu’en plongeant dans le lac le plus pur, on dépose le fardeau de l’esprit sur le quai de l’arrivée. Une fois l’âme liquéfiée, on peut célébrer les retrouvailles avec le corps. »
Le corps, objet souvent fantasmé, est aujourd’hui souvent commenté, jugé, empêché mais rarement aussi bien détaillé. Quelle machine extraordinaire pourtant, nous dit Pennac ! Il l’écrit lui-même :
« Si je devais rendre ce journal public, je le destinerais d’abord aux femmes. En retour, j’aimerais lire le journal qu’une femme aurait tenu de son corps. Histoire de lever un coin du mystère. En quoi consiste le mystère ? En ceci par exemple qu’un homme ignore tout de ce que ressent une femme quant à la forme et au poids de ses seins, et que les femmes ne savent rien de ce que ressentent les hommes quant à l’encombrement de leur sexe. »
Avec cet ouvrage, l’auteur nous pousse à nous interroger sur notre propre rapport à cette partie matérielle de nous-mêmes, à l’accepter de la manière la plus naturelle qui soit, dans sa vulgarité comme dans sa délicatesse. Il nous donne aussi à lire quelques passages sur l’altérité que connaît le corps : dans l’enfance de l’individu, cette spécificité lui échappe, puis elle lui devient de plus en plus familière à mesure qu’il éprouve sa présence et gagne en autonomie.
Ce journal explore toutes les particularités du corps masculin, sans pour autant se vouloir descriptif. La prouesse du romancier se situe précisément dans cette façon d’écrire : il raconte véritablement l’histoire d’un homme, de ses souvenirs, en leur donnant l’illusion du temps immédiat. Voici donc la fonction de ce corps : s’inscrire dans le présent, dire son ressenti, ce qu’il émet, ce qu’il provoque. Daniel Pennac parvient à restituer toutes ces dimensions dans ce roman insolite et terriblement captivant.
Tantôt émouvant, tantôt dégoûtant, ce corps qui ne nous appartient pas se met à nu, et par là-même nous donne accès à la profondeur de l’âme. Humour et dérision, étonnement et exaltation, tout se retrouve dans ce journal audacieux, assurément marquant.
400 pages, 140 x 205 mm
22,00 €
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