Le 23 mai 2025
Les frères Dardenne réalisent l’un de leurs films les plus touchants avec ce récit de jeunes mères célibataires, au carrefour de deux tendances de leur univers.


- Réalisateur : Jean-Pierre & Luc Dardenne
- Acteurs : India Hair, Babette Verbeek, Elsa Houben, Janaina Halloy Fokan, Lucie Laruelle, Samia Hilmi
- Genre : Drame, Teen movie, Drame social
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 23 mai 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

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– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, En compétition
– Festival de Cannes 2025 : Prix du scénario, Prix œcuménique
Résumé : Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.
- © Festival de Cannes 2025
Critique : La montée des marches des frères Dardenne, en compétition officielle au Festival de Cannes 2025, a été marquée par le souvenir d’Émilie Dequenne, qu’ils avaient révélées vingt-six ans plus tôt dans Rosetta, Palme d’or et prix d’interprétation féminine, et dont la disparition a eu lieu quelques semaines plus tôt. Jeunes mères confirme que les frères n’ont pas perdu la main, avec ce récit touchant écrit à partir de l’observation d’une « maison maternelle », près de Liège. C’est un foyer où assistantes, infirmières et psychologues accompagnent, le temps de leur grossesse et d’une première année de maternité, de très jeunes mères célibataires, parfois à peine sorties de l’adolescence, afin de les aider dans l’autonomie. Initialement, le film devait être axé sur un seul personnage féminin, jusqu’à ce que les deux frères décident de croiser cinq destinées. Ils précisent ainsi dans le dossier de presse : « Nous avons construit chaque récit en fonction de chaque jeune mère et de son enfant en essayant d’être au plus près du moteur de chacune, en nous laissant guider par la nécessité interne de chaque trajectoire, dans et en dehors de la maison maternelle, de manière à faire un film qui, tout en étant un portrait de groupe, est d’abord cinq portraits de jeunes mères vivant chacune son histoire faite de situations sociales et de relations affectives personnelles ».
- © Christine Plenus / 2025 Diaphana Distribution. Tous droits réservés.
Le long métrage émeut sans pathos et le quotidien de ces jeunes femmes oscillant entre la combativité et le découragement donne un beau moment de cinéma. Comme souvent chez les Dardenne, le déterminisme absorbe les personnages, qui pourtant veulent y échapper. L’une de ces filles a fui une mère alcoolique et déphasée, et ne souhaite pas lui confier le bébé qu’elle n’a pas désiré ; cette autre, qui s’est sentie abandonnée par sa mère à sa naissance, n’a pas souhaité suivre la même voie ; quant à cette jeune maman d’origine africaine, elle tente vainement de retenir son petit ami immature et de se rapprocher de sa sœur. Nul naturalisme pesant dans ces situations, tant la limpidité de l’écriture comme des dialogues et le dépouillement de la mise en scène transcendent les conventions. Et l’on retrouvera de nombreuses similitudes avec les œuvres antérieures des frères, à commencer par le thème des problèmes rencontrés par de jeunes parents, déjà au cœur de L’enfant.
- © Christine Plenus / 2025 Diaphana Distribution. Tous droits réservés.
En fait, Jeunes mères est au carrefour de deux tendances stylistiques des cinéastes. Le début de leur filmographie était axé sur des drames sociaux épurés, de La promesse au Silence de Lorna. Cette épure était revenue ces dernières années avec Le jeune Ahmed et Tori et Lokita. Entre-temps, les Dardenne, tout en misant sur l’économie de moyens, avaient osé la fibre romanesque ou émotionnelle, avec le recours à des actrices bankables : Cécile de France dans Le gamin au vélo, Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit, Adèle Haenel dans La fille inconnue, sans toutefois renier leur âme. Ces deux caractéristiques sont ici fusionnées : Jeunes mères a le profil d’une œuvre grand public susceptible de toucher le plus grand nombre, tout en étant marqué par le réalisme semi-documentaire des deux frères, sans le côté didactique d’une Jeanne Herry abordant l’adoption dans Pupille. On l’aura compris : Jeunes mères est un film précieux et humain, que nous ne saurons que recommander.