Jeune & Jolie - François Ozon - critique

Critique : François Ozon est de retour à Cannes pour présenter Jeune & jolie, son deuxième film à y être sélectionné après Swimming Pool il y a dix ans. Le sujet a de quoi susciter la curiosité : une jeune fille de dix-sept ans, issue d’une famille bourgeoise, se prostitue pour le plaisir. Elle n’a pas besoin d’argent, mais en réclame tout de même, pour la valeur symbolique qui en découle, et dont l’importance est capitale.<
À juste titre, François Ozon ne pense pas choquer la Croisette avec ce film fort et marquant. Il croit même que celui-ci peut disposer d’un rôle pédagogique : « certaines mères se sont précipitées après le film pour aller parler avec leur fille et avoir de longues conversations, c’était plutôt positif. C’est un film qui peut permettre le dialogue entre parents et adolescents », affirme-t-il sans détour. Force est de constater que le cinéaste a su viser juste en proposant un long métrage certes provocant, mais qui ne profite jamais du caractère sensationnel de son thème de façon providentielle, comme cela est souvent le cas.
Les premières images promettaient sensualité et érotisme : le film propose aussi émotion et saisissement. À partir du moment où la jeune fille déclare avec une sobriété terrifiante "C’est fait" lors de sa première relation sexuelle, comme si l’acte relevait de la plus grande des banalités, le long métrage parvient à dévoiler une facette intimiste qu’il ne quittera plus jamais, jusqu’à son bel épilogue empli de douceur. Et là réside assurément la plus grande force de Jeune & jolie, qui dévoile sans juger, filme sans mentir, et écoute la parole de ses personnages avec respect et humilité.
Si Ozon filme avec perversité le portrait de cette jeune fille aussi belle qu’insaisissable, il ne tombera jamais dans l’excès, ni la vulgarité, malgré le regard troublant qu’il donne sur la prostitution. La finesse avec laquelle il explore l’inconscient sexuel de l’adolescence offre alors aux corps et aux esprits les moyens de s’exprimer avec une grâce éloquente. L’incroyable prestation de Marine Vacth ne fera que renforcer ce sentiment, tant celle-ci illumine l’image de sa beauté angélique. Fort heureusement, l’élégance n’est pas la seule qualité de cette jeune actrice de vingt-trois ans aux émotions et attitudes sincères, capturées il est vrai avec contemplation et désir. Son regard mélancolique perfore et déstabilise l’image plate du film et apporte ainsi énormément à sa composition. Sans aucune contestation possible, la jeune femme est l’une des révélations cannoises de cette année.
Jeune & jolie n’est bien entendu pas dénué de défauts. Parfois, il troque sa capacité à captiver pour un rythme maladroit. Ses moments les plus contemplatifs, fidèles au style de son réalisateur, peuvent aussi gêner. Mais au-delà de ces maladresses mineures, difficile ne pas succomber aux charmes de Jeune & jolie, film passionnant car passionné.