Le 31 juillet 2017
- Acteur : Jeanne Moreau
- Voir le dossier : Nécrologie
Jeanne Moreau est morte. Elle fut sans doute la plus grande actrice française de sa génération et une référence incontournable pour la cinéphilie mondiale.
Jeanne Moreau a réussi être à la fois une comédienne exceptionnelle, une star incontestable du cinéma français et une femme intelligente et ouverte, ayant tourné avec les réalisateurs les plus prestigieux. C’est au Conservatoire et à la Comédie-Française qu’elle se fit connaître, et sa carrière théâtrale ne fut jamais négligée. Les professionnels de la scène ne s’y sont pas trompés en lui décernant en 1988 le Molière de la comédienne pour La Célestine de Hermann Broch, mis en scène par Klaus-Maria Grüber. D’aucuns avaient trouvé de troublantes analogies avec le rôle qu’elle avait tenu au grand écran dans Le Journal d’une femme de chambre (1964) de Luis Buñuel. Car le cinéma a mis longtemps sous les sunlights cette actrice de grande classe, au timbre de voix singulier, et qui a fréquenté les studios dès l’après-guerre. La première moitié des années 50 fut pour elle l’occasion d’y forger son métier en incarnant des seconds rôles remarqués : on se souvient de la gifle que lui assénait Jean Gabin dans Touchez pas au grisbi (1954) de Jacques Becker. Jeanne Moreau devint ensuite tête d’affiche en incarnant en 1958 deux personnages féminins déterminés pour Louis Malle : dans Ascenseur pour l’échafaud, elle conduisait Maurice Ronet à sa perte ; dans Les Amants, elle était l’image de la femme libre et moderne, et tournait la première séquence d’amour physique au cinéma. Les portes du vedettariat lui furent alors ouvertes, et Jeanne Moreau eut le statut de star sophistiquée, à la filmographie exigeante, en opposition au mythe sexuel qui avait les traits de Bardot (les deux actrices furent réunies dans la comédie d’aventures Viva Maria !, en 1965). Les années 60 virent l’apogée de son art, et Jeanne Moreau se dépassa en amante hésitant entre Jules et Jim (1962) de François Truffaut. Le cinéma d’auteur européen la sollicita la même année et elle fut une troublante Eva pour Joseph Losey, ainsi que la muse de l’incommunicabilité dans La Nuit de Michelangelo Antonioni (pour un rôle refusé par Michèle Morgan).
On peut aussi citer, pour cette décennie, la joueuse de La Baie des Anges (1963) de Jacques Demy, la veuve vengeresse dans La Mariée était en noir (1968) de François Truffaut (d’après William Irish), ainsi que ses compositions dans Moderato Cantabile (1960) de Peter Brook (d’après Marguerite Duras) et Falstaff (1966) d’Orson Welles (d’après Shakespeare). À partir des années 70, Jeanne Moreau resta active au cinéma mais fit davantage des apparitions en « guest star » dans des productions françaises ou internationales. Elle fut cependant toujours l’interprète principale de plusieurs films dont Nathalie Granger (1973) de Marguerite Duras, Souvenirs d’en France (1975) d’André Téchiné, Le Miraculé (1987) de Jean-Pierre Mocky (savoureuse composition d’une ex-prostituée devenue dame patronnesse), ou La Vieille qui marchait dans la mer (1991) de Laurent Heynemann (qui lui valut le César de la meilleure actrice). Mais on se souvient aussi de l’ancienne prisonnière suicidaire dans Les Valseuses (1973) de Bertrand Blier, la diva du Dernier nabab (1976) d’Elia Kazan, la chanteuse dans Querelle (1982) de Rainer Werner Fassbinder, la bistrotière du Paltoquet (1986) de Michel Deville, ou la grand-mère dans Je m’appelle Victor (1993) de Guy Gilles. Jeanne Moreau au cours de sa longue carrière a aussi été dirigée par Roger Vadim, Théo Angelopoulos, Wim Wenders, Amos Gitai... Qui dit mieux ? Mais elle avait une prédilection pour les jeunes cinéastes, n’hésitant pas à accepter un rôle dans Le Temps qui reste (2005) de François Ozon, ou à offrir le César d’honneur qu’elle reçut en 2008 à Céline Sciamma. Jeanne Moreau avait obtenu de nombreuses autres récompenses dont un Oscar d’honneur et un prix d’interprétation au Festival de Cannes, dont elle avait présidé le jury à deux reprises. Cette grande dame du cinéma s’était aussi lancée dans la réalisation (Lumière, 1976) et était une chanteuse de talent ("Le Tourbillon de la vie" de Jules et Jim). Jeanne Moreau vient nous quitter à l’âge de 89 ans.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.