Le 26 novembre 2023
Hélène Boudou-Reuzé et Laëtitia Desserrières ont écrit plusieurs articles de cet ouvrage. Brigitte Delpech, la fille de l’artiste, a également rédigé un texte. Le catalogue permet de découvrir, sur les huit cents œuvres détenues par le Ministère de l’armée, un nombre conséquent d’entre elles et de s’immerger dans le style particulier, original et étonnant de Jean Delpech. Ce livre fait le pont avec l’exposition du 16 septembre 2023 au 27 janvier 2024 au musée de l’Armée, dans l’hôtel national des Invalides.
- Auteurs : Hélène Boudou-Reuzé, Laetitia Deserrières
- Editeur : In Fine éditions d’arts
- Genre : Beaux Arts
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 14 septembre 2023
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : L’ouvrage est un catalogue présentant plusieurs essais et des reproductions d’estampes, de dessins et de peintures de Jean Delpech réalisées pendant la guerre de 39-45.
Critique : Incroyable ! C’est sans doute le premier mot qui vient à l’esprit quand on découvre les images créées par Jean Delpech. Le terme n’est pas à la mesure de la surprise que suscite le travail de cet artiste chez celui ou celle qui ne le connaît pas.
Ce catalogue est un très bel hommage à ce dessinateur, graveur, peintre infatigable qui a tenté, à sa manière, et surtout, avec son regard de créateur, de témoigner du chaos engendré par le conflit mondial de 39-45. Trois grandes parties composent ce recueil. D’abord, les essais qui nous font découvrir la vie et le travail de Jean Delpech, en se focalisant sur les années de guerre. Son parcours est en soi riche d’expériences : l’artiste est affecté au quinzième bataillon de chasseurs alpins, chargé de la surveillance et de la défense de la frontière avec l’Italie, envoyé au front pour subir de plein fouet la débâcle, nommé enseignant à Saint-Ouen le jour, réalisant des faux papiers pour la résistance la nuit. Lors de l’effondrement de l’armée nazie, Jean Delpech s’engage comme correspondant de guerre pendant la campagne d’Allemagne. Il obtient en 1944 le troisième prix de Rome de gravure en taille-douce, avant de gagner, en 1948, le grand prix de ce concours.
La deuxième partie constitue le catalogue listant les huit cent œuvres détenues par le Ministère des Armées et surtout, met en avant de superbes reproductions, certaines étant assorties de commentaires explicatifs. Il est étonnant que parfois, le texte concerne des toiles qui ne sont pas reproduites dans le catalogue. Mais la richesse des travaux est tellement conséquente que l’on est submergé par la quantité autant que par la qualité.
L’œuvre de Jean Delpech est foisonnante par son nombre, mais aussi par sa variété. L’artiste s’est essayé à différentes techniques : gravure, monotype, taille d’épargne, peinture à l’huile, à la gouache, dessin au crayon, à l’encre...
Et il mélange certaines de ces pratiques. Les gravures rehaussées d’aquarelle et de gouache sont magnifiques, les dessins portant quelques teintes d’aquarelles, mêlées de crayons de couleur, donnent un reflet vivant des situations croquées sur l’instant.
Jean Delpech n’hésite pas à remplir l’espace, avec des panoramas aux foules débordantes, des perspectives totalement réalistes donnant vue sur des allées d’immeubles, et d’autres volontairement faussées pour mettre au même niveau avant et arrière plan. Il faut aussi mentionner son travail de découpe des sujets, des bâtiments à moitié ouverts, permettant d’en voir l’intérieur autant que l’extérieur en une représentation. Cette technique prend toute sa mesure avec les appareils militaires : des tanks, des bateaux, à moitié ouverts pour dévoiler leur agencement intérieur.
Et bien sûr, tout cela est réuni et mélangé dans des œuvres incroyables.
Il faut aussi parler du travail minutieux de Jean Delpech, qui pouvait remplir une page, à l’instar d’une fiche technique, de toutes les pièces d’une mitrailleuse. Il se servait ainsi de cette précision pour enrichir certains dessins en ajoutant dans les contours des pièces d’artillerie, des avions ou des blasons.
Inv. 2019.58.4
Fusillade, place de la Concorde, 1944
Monotype rehaussé de gouache et de pastel
H. 38 ; L. 58,5 cm
Cuvette : H. 35,5 ; L. 50 cm
Inscriptions : au crayon graphite,
en bas à gauche : Fusillade, place de la Concorde ;
en bas à droite : Jean Delpech
© Paris - Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Émilie Cambier
Comment donner un aperçu autrement que par cette image qui n’est qu’un aspect du travail de cet artiste polyvalent ?
Le musée des Armées a trouvé la réponse. Cette institution a mis en ligne, fin septembre 2023, un site permettant de parcourir l’œuvre de guerre de Jean Delpech.
On pourra ainsi voyager à travers les dessins et peintures, gravures réalistes ou imaginaires de l’artiste.
Imaginaires, car le style de Jean Delpech est particulier. Il possède une grande maîtrise du réalisme, comme en témoignent ses pièces mécaniques et ses portraits, mais il sait s’éloigner de ce style, avec l’aplatissement des perspectives. Il peut opter pour la création de végétations foisonnantes, de décors abstraits, parfois à base d’ondulations du pinceau, pour faire ressortir le sujet de sa composition. Ses trophées imaginaires, ses symboles rappellent l’horreur de la guerre, mélangeant des éléments disparates pour créer une sorte de sculpture dessinée, étrange, surchargée, mais composée de manière extrêmement soigneuse.
Tous ces éléments réfèrent aux sujets de ses travaux : des portraits de soldats, d’inconnus, des véhicules militaires, des bateaux, des tanks, des jeeps, des sous-marins, des instantanés de villes détruites, de Stuttgart à Saint-Nazaire, des allégories, des champs de bataille, des paysages étranges, des montagnes abruptes ou des villes foisonnantes, la vie de ses concitoyens, dans des compositions riches de détails, rappelant le quotidien de la guerre, où s’entremêlent les files d’attente pour manger, les patrouilles allemandes, les arrestations, les résistants cachés, le service du travail obligatoire, tout cela souvent fixé sur une seule peinture.
Cerise sur le gâteau : les annexes qui concluent ce livre et constituent la troisième partie de ce recueil. On y retrouve une bibliographie particulièrement riche en fin de catalogue et une trentaine de pages écrites par Jean Delpech lui-même, témoignage de cette guerre horrible, qui nous emmène sur le front, dans un Paris occupé, jusqu’à la libération et la reprise de la vie "normale". Delpech conclut ses souvenirs sur une pointe d’humour.
Se cachant quelque part dans la bibliographie, on trouvera aussi un lien pour découvrir un petit film de neuf minutes, en cours d’avancement, revenant sur la vie de Jean Delpech, mélangeant photos et travaux de l’artiste. Une vidéo réalisée par la fille de l’artiste, Brigitte Delpech.
Jean Delpech, l’oeuvre de guerre évoque un artiste incroyable qui a réussi à concilier le réalisme pointu et l’art naïf, pour s’incarner en tant que témoin infatigable de son temps, d’une guerre mondiale destructrice. Sa création nous rappelle l’horreur de ce conflit, filtré par le prisme de l’art.
384 pages – 49€
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