Sympathy for love
Le 12 décembre 2007
Après sa remarquable trilogie sur la vengeance, Park Chan-Wook renouvelle sa grammaire cinématographique avec une histoire de fou romantique et originale.
- Réalisateur : Park Chan-wook
- Acteurs : Rain, Lim Su-jeong
- Genre : Comédie dramatique, Science-fiction
- Nationalité : Sud-coréen
- Date de sortie : 12 décembre 2007
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– Durée : 1h45mn
– Titre original : Saibogujiman kwenchana
Après sa remarquable trilogie sur la vengeance, Park Chan-wook renouvelle sa grammaire cinématographique avec une histoire de fou romantique et originale.
L’argument : Internée, une jeune fille est persuadée d’être un cyborg et court un sérieux danger en ne mangeant rien. Un jeune homme devenu fou par la haine ordinaire que sa beauté a pu provoquer va tomber amoureux d’elle et tenter de la ramener vers le réel. Y arrivera-t-il ou pas ? Pas de méga-twist, juste de l’amour : Park est devenu papa.
Notre avis : En apparence, le dernier Park Chan-wook annonce un renouveau serein dans la filmographie du réalisateur aux obsessions noires. Et pourtant, sur le papier, ça ressemble à un opus mineur moins immédiatement séduisant que la trilogie vengeance (Sympathy for Mr. Vengeance, Old boy et Lady Vengeance) sur un sujet qui l’est tout autant (fable présupposée gnangnan). On a tout faux : même les petits Park Chan-wook valent mieux que les grands n’importe quoi. Loin de constituer une babiole inoffensive, Je suis un cyborg (également connu sous son titre anglais I’m a cyborg but that’s ok) est une œuvre schizophrène, courageuse, pas consensuelle dans laquelle une mélancolie tenace cherche des noises à la fantaisie délirante. Dans laquelle l’immense Park Chan-Wook change radicalement de thématique. Dans laquelle toutes les audaces visuelles et narratives sont autorisées quitte à insulter le bon goût (se moquer des chats, tourner les pages d’un livre fleur bleue qui montre des dessins de psychopathe, montrer un rapetissement, emprunter le dentier d’une grand-mère, faire grimper des antennes). En somme, une œuvre douce et brûlante, moins tripale que viscéralement romantique.
Comme dans tous les films du maestro sud-coréen, la densité de cette histoire de fou, originellement conçue pour la fille du réalisateur, fondée sur de multiples ramifications scénaristiques et diverses ruptures temporelles, invite le spectateur à voir Je suis un cyborg à répétition. Utilisant des ralentis et des accélérés, la snorry-cam comme le split-screen, Chan-Wook reprend l’esthétique de la violence selon les règles inventées par tonton Peckinpah (les scènes de tuerie fantasmées où l’héroïne, dans un état second, se prend pour le cyborg en question) et peaufine une identité visuelle dont certains effets sont repris de Lady Vengeance (la caméra qui traverse une vitre, ce genre). Cette histoire d’amour follement romantique échappe aux débordements lacrymaux par un trait ironiquement incisif, n’empêchant guère l’émotion de percer au moment où on s’y attend le moins. Progressivement, le film où s’exprime un vrai désir de faire du cinéma dévoile sa troublante nudité : tous les tics visuels deviennent des apparats et s’effacent pour laisser émerger les stigmates d’une maladie et plonger dans les arcanes d’un passé mouvementé. Afin d’assurer l’intensité d’une relation basée sur la compassion et l’amour de l’autre (il s’agit de deux fous qui s’aident mutuellement), il étaie une multitude de personnages secondaires tous claquemurés dans le même asile psychiatrique, auxquels on s’attache selon notre sensibilité, qu’il s’agisse de l’obèse accro à l’électrostatique qui bouffe les plats de miss Cyborg, le jeune homme qui se croit attaché à un élastique ou la demoiselle j-pop rococo qui s’imagine dans des clips tyroliens tournés en Suisse.
On pourrait presque reprocher à Park d’en faire trop dans la surenchère et arguer que toutes les intrigues annexes servent de cache-sexe bourratif. Hors sujet. Elles contribuent toutes (on dit bien toutes) à l’atmosphère barrée, à la magie dépaysante, à la folie communicative de ce film délicieusement original qui s’égare avec acharnement hors des sentiers balisés pour notre plus grand plaisir. Certes, si l’on n’est guère sensible aux dérapages kitsch et aux soubresauts fictionnels, on risque d’être gravement décontenancé par ce curieux foisonnement de détails incongrus. Dans le cas contraire, ce film kawaii ("mignon" en japonais, qui s’accorde aussi au Pays du Matin Calme), unique et terriblement inventif, hanté par la Jeunet’s touch, impressionnera le regard et remuera sacrément les méninges. Pas moins...
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