Le 16 novembre 2022
Ce texte choral, construit comme un puzzle dont certaines pièces resteront manquantes, est semblable à une « œuvre ouverte », au sens où l’entendait Umberto Eco.
- Auteur : Nasim Vahabi
- Editeur : Tropismes éditions
- Genre : Roman
- Nationalité : Iranienne
- Date de sortie : 9 septembre 2022
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Résumé : Une autrice. Dont l’autorisation de publier son roman est suspendue par le bureau de la censure. Lors d’un entretien avec le chef de service, suite à un coup de fil que reçoit ce dernier, elle se retrouve enfermée seule dans la salle des manuscrits interdits. Un éditeur. Qui vit une folle et tendre romance avec une archiviste. Ensemble, ils ont un projet dément : publier les textes interdits dans leur pays. Une jeune femme. Enceinte, qui apprend le décès brutal de sa mère dans un accident de voiture. Son mari occupe une bonne position : chef au bureau de la censure. Dans le portable de sa défunte mère, des messages à un homme mystérieux qui évoquent des textes interdits... Un jeune homme, chargé de nettoyer un endroit des plus lugubres. En transportant des sacs poubelles remplis de manuscrits, il tombe sur un texte intitulé "Je ne suis pas un roman !" Nasim Vahabi nous transporte dans un monde où la liberté d’expression est brimée par une bureaucratie aux allures dystopiques.
Critique : La censure avançant masquée, les censeurs aiment les euphémismes et autres périphrases pour éviter le scandale associée à ce terme. C’est ainsi que Nasim Vahabi dans son récit paradoxal Je ne suis pas un roman, aborde le sujet de la liberté d’expression en Iran en ces termes : « Le mot « censeur » est péjoratif et les mots « censure » et « censeur » font aussi partie des termes qu’il est interdit d’évoquer dans un roman, et même de prononcer devant les agents lecteurs. » Ces agents lecteurs sont décrits autant omniprésents et obsédants que bureaucratiques et anonymes. Vecteur d’autocensure et de résignations à un système qui dépasse le petit monde du livre iranien, l’État islamique intervient sur les mentalités, les consciences et l’opinion publique en exerçant un contrôle majeur sur les livres comme, le suppose-t-on, sur les médias sociaux. Le règne de l’arbitraire paranoïaque pèse au point de paralyser la spontanéité de toutes les interactions sociales. Les derniers espaces de communication libre ne sont pas à l’abri de ce sentiment d’insécurité et de surveillance. Le roman retranscrit ces échanges digitaux du quotidien via WhatsApp, Telegram et autres réseaux, pour montrer combien la vigilance peut s’immiscer partout dans la société. Ce climat de défiance et cette intégration des règles de la censure dans ce microcosme du livre se répercutent sur toute la société que l’autrice décrit. Le monde de l’édition en Iran s’avère finalement représentatif de la société globale. La censure force beaucoup de personnalités à un renoncement, à une liberté créative que, la mort dans l’âme, auteurs et éditeurs semblent finir par abandonner. La censure a l’air d’agir indirectement sur le monde du livre iranien, de le façonner de différentes manières, notamment en paraissant moins sourcilleuse sur l’édition d’essais que sur le roman, ou en conduisant les auteurs à la contourner en ayant recours aux secrets de la métaphore poétique.
Croisant les points de vue représentatifs des métiers du livre, ce texte choral se construit comme un puzzle dont certaines pièces resteront manquantes, comme une « œuvre ouverte » au sens où l’entend Umberto Eco. Les protagonistes composent au quotidien avec leurs tabous et un sentiment de méfiance généralisée vers un dénouement énigmatique et mystérieux. Fataliste, le roman fait métaphoriquement de l’enfer de la censure iranienne une espèce de morgue autant intellectuelle que physique, et des archives de la bibliothèque un bouclier contre l’oubli capable d’assurer une transmission salvatrice vers la postérité. Le roman pose la question centrale du temps et de l’attente. À travers les enjeux de mémoire du monde, d’organisation méticuleuse de l’oubli, de fin de vie, abordés dans ce récit, c’est le thème de la capacité à transmettre sa culture d’un point de vue intergénérationnel qui est ici abordé. C’est donc aussi la place des traditions poétiques de la culture persane dans la littérature contemporaine iranienne qui est interrogée, à partir d’une expérience que l’on imagine personnelle et représentative de la situation des écrivains face à la censure.
128 pages ; 14 x 20,5 cm ; broché
Prix de vente au public (TTC) : 16 €
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