La dictature des sexes
Le 4 août 2021
Après la belle surprise Les beaux gosses, Riad Sattouf s’essaye à la comédie déjantée se déroulant dans un monde imaginaire où les femmes ont pris le pouvoir. Plaisant à regarder, Jacky au royaume des filles pèche cependant dans une course aux gags obsessionnelle qui désamorce hélas sa portée politique.
- Réalisateur : Riad Sattouf
- Acteurs : Charlotte Gainsbourg, Anémone, Didier Bourdon, Noémie Lvovsky, Vincent Lacoste, Anthony Sonigo, Valérie Bonneton, William Lebghil, Laure Marsac
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 4 août 2021 20:45
- Chaîne : TFX
- Date de sortie : 29 janvier 2014
Résumé : En république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir, commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle, fille de la dictatrice, et avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky : maltraité par sa belle-famille, il voit son rêve peu à peu lui échapper...
Critique : Les beaux gosses fut sans conteste l’une des grandes surprises cinématographiques de l’année 2009 : réunissant près d’un million de spectateurs en salles, la première réalisation du dessinateur Riad Sattouf fut un énorme succès critique et public, et obtint même le César de la Meilleure première œuvre. Le second long-métrage du désormais réalisateur était donc naturellement très attendu surtout, qu’à l’image des Beaux gosses, son nouveau film promettait l’inattendu et la surprise, à en juger de son synopsis des plus étonnants – sorte de très libre adaptation du célèbre Cendrillon. Las, bien que son nouveau film se visionne avec un certain plaisir – univers original, casting impeccable –, Sattouf pèche exactement là où il triomphait avec Les beaux gosses : faisant fi de toute retenue, Jacky au royaume des filles sombre dans un excès totalement incontrôlé de recherche d’effets comiques en tous genres, et néglige alors la portée politique de son scénario en délivrant un message en totale contradiction avec ses intentions, pourtant louables.
Dans Jacky au royaume des filles, Riad Sattouf décrit une société dictatoriale où le rapport de force entre les sexes est inversé : ici, les femmes imposent leur loi sur les hommes, vêtus d’une étrange robe rouge renvoyant directement à la burqa, et incarnent le pouvoir et la force – le rôle des hommes ne se limitant qu’à l’entretien du domicile conjugal. Mais le jour où la Colonelle, fille de la Générale qui gouverne d’une main de fer le pays, annonce publiquement à la télévision l’organisation d’un bal pour trouver son futur mari, Jacky, jeune garçon de vingt ans, décide de tout mettre en œuvre pour s’attirer les faveurs de la princesse, véritable fantasme pour tous les hommes du pays.
De manière presque inévitable, c’est dans sa portée clairement politique que repose le principal intérêt de Jacky au royaume des filles. En inversant le rapport de force entre les hommes et les femmes, généralement établi dans une grande majorité de sociétés, et en l’ancrant dans un monde dictatorial totalement burlesque, Riad Sattouf parvient à faire dialoguer de manière autant cynique que dramatique les personnages de sa fiction puisque celle-ci, jouant avec les extrêmes, se relève à la fois fantaisiste – l’univers possède de forts accents de science-fiction – et réaliste – les références historiques à des régimes ayant réellement existé sont nombreuses. Cette juxtaposition de deux réalités historiques pourtant bien distinctes est par voie de conséquence inédite – une loi divine absurde, liberticide, imposée aux sujets d’une reine dont le pouvoir repose sur une armée, et donc la force – et offre des séquences fortes et marquantes, où l’humour rejoint souvent le drame, et inversement. Moment saillant du récit, le viol que subit Jacky par une chef de police provoquera dans un premier temps l’hilarité du spectateur – la transposition du viol féminin sur l’homme est tournée en dérision – mais le caractère naturellement terrible de l’acte ne pourra que provoquer malaise et effroi. C’est de cette capacité à jongler entre des tons diamétralement opposés, à rendre effroyable et terrible le comique d’une situation inévitablement absurde à nos yeux, que Jacky au royaume des filles parvient sans cesse à alimenter son récit de cette charge émotive avec laquelle il raconte son histoire.
Devant cette réelle faculté à rendre son récit passionnant, on ne pourra que regretter la superficialité avec laquelle Sattouf agrémente son film de messages politiques d’actualité – que vient faire le mariage homosexuel dans cette comédie qui en est totalement détachée, à part provoquer un effet comique totalement avorté ? En plus de rien apporter au scénario, cette juxtaposition de gags donne l’impression amère que Jacky au royaume des filles n’est guidé que par l’attrait de la situation qui, par une totale incongruité, marquera forcément les esprits. De même, il y a de quoi s’étonner de l’évolution que prend son scénario puisque, en réponse aux obscurantismes, Sattouf offre un happy end qui fait de ses personnages les martyres heureux d’un système qui pourtant les matraque ; personnages auparavant guidés par des idéaux disparaissant aussitôt Jacky devenu roi. La parole politique, pourtant bien réelle, de ses figures méritait-elle d’être muselée au profit d’une succession ininterrompue de gags ? Pas sûr.
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birulune 18 décembre 2017
Jacky au royaume des filles - la critique du film
C’est pas bien de spoiler ! Ok, c’est pas le scénario qui compte mais le traitement du sujet ( rabaisser les hommes en permanence pour la blague car c’est une utopie inversée) pourtant j’aurais aimé une étude de société ( car c’en est une) un peu plus...occidentale. J’ai eu de la pitié et de la compassion pour le pauvre" couillon" quand il se fait chevaucher sous l’étal de l’épicier puis battre ( on bat le couillon et pas la femme dominatrice) mais je l’admets la parodie de viol buccal en forêt m’a titillé a cause du plan nichon.
Réflexion sur le respect dû aux femmes dans une société où les hommes ( les vrais) sont valorisés pour leur sensualité bourrine. Là c’est les femmes.
Un cri du Coeur féministe et humaniste ce film, sans rire.
Les films politiques foisonnent sur l’Iran, la Syrie avec toujours une histoire d’amour non calibrée pour un public iranien, syrien, et je déteste l’opportunisme de ces oeuvres faussement humanistes et surtout très ennuyantes ( la même a la sauce hollywoodienne sera aussi chiante je vois pas pourquoi l’asie mineure serait le creuset où pousse le monde de demain ) mais avant tout destinées aux gogos gauchisants.
Bourdon est génial.
Personne d’autre aurait pu jouer la fatma :il a fait la"doudou" sur antenne 2 il y a 25 ans et ça fait toujours rire, même les doudous (doudou=grosse femme noire un peu nonchalante avec un accent africain à couper au couteau)
Personne aurait osé ce film de taré consciencieux si ce n’est monsieur je-parle-aux-vrais-ados-ceux-qui -ont-du -poil-sous-les -bras ( réal des gossbos)