« Je me suis levée avec un pressentiment » - Etsuko, personnage
Le 13 septembre 2018
Autoremake d’Avant que nous disparaissions, son film précédent, le nouvel opus de Kiyoshi Kurosawa frappe par son épure et son art de la suggestion.
- Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
- Acteurs : Ren Ôsugi, Shōta Sometani, Kaho, Masahiro Higashide, Eriko Nakamura
- Genre : Drame, Science-fiction, Fantastique
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 2h20mn
- Titre original : Yochô: Sanpo Suru Shinryakusha
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 5 septembre 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : Pourquoi tout le monde change-t-il soudainement de comportement ? Etsuko est-elle la seule à se rendre compte que son amie, son patron, son mari ne sont plus tout à fait les mêmes ? Peu à peu, elle réalise que les humains sont en train de perdre leurs émotions...
Critique : Kiyoshi Kurosawa s’est livré à une expérience insolite en réalisant le remake de son film Avant que nous disparaissions, lui-même adapté d’une pièce de théâtre du dramaturge Tomohiro Maekawa, succès de la scène japonaise. En fait, Invasion a d’abord été conçu en tant que série pour la télévision japonaise, avant de connaître un nouveau montage pour être exploité en salles. Certes, ce n’est pas la première fois qu’un cinéaste tourne une nouvelle version de son propre film, d’Alfred Hitchcock (L’Homme qui en savait trop) à Michael Haneke (Funny Games), en passant par Leo McCarey (Elle et lui). Mais inédit est le délai si court entre les deux longs métrages. Par ailleurs, c’est la seconde fois que Kurosawa tourne une œuvre destinée à la fois au petit et au grand écran, après son sublime diptyque Shokuzai - celles qui voulaient se souvenir et Shokuzai - celles qui voulaient oublier. On pourrait penser que le réalisateur tourne en rond et manque d’inspiration en s’attelant pour la deuxième fois consécutive à ce récit de science-fiction mettant en scène des envahisseurs venant tâter le terrain pour exterminer le genre humain. Or Invasion déjoue cet a priori et constitue une heureuse surprise, le film étant nettement supérieur au précédent.
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En dépit de sa cohérence et de sa facture plus qu’honorable, Avant que nous disparaissions nous laissait en effet sur notre faim et nous regrettions « une exposition un brin longuette, ainsi que des scènes de combat qui ne semblent pas avoir particulièrement inspiré le réalisateur ». Il n’en est rien ici et Kurosawa a abandonné les effets spéciaux grandiloquents pour l’épure et la poésie qui imprégnaient l’onirique Vers l’autre rive. Pourtant le synopsis est le même et l’on retrouve les grandes lignes du récit initial qui voit des êtres d’un autre monde choisir des guides parmi les habitants de la Terre afin d’ôter aux hommes leurs principes moraux et leurs caractéristiques psychologiques, prélude à une éradication radicale. Au simple contact d’un toucher du front, une jeune ouvrière perdra le sens des valeurs familiales, tandis qu’une dirigeante de société se verra privée de sa fierté. Seule la douce mais ferme Etsuko semble résister aux assauts ce ces « preneurs de conscience », l’amour qu’elle éprouve pour ses proches (dont son époux Tetsuo) et la ténacité de ses convictions s’avérant plus forts que l’asservissement.
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On peut voir dans ce scénario une métaphore de nos sociétés tentées par la radicalisation idéologique ou les mirages de l’extrémisme, et qui ne pourraient être sauvées que par un sens affirmé de l’éthique et du combat citoyen et politique. Pourtant Invasion ne délivre pas son message à la truelle et les personnages sont plus ambigus qu’ils n’en ont l’air, à commencer par Etsuko, mélange de Jeanne d’Arc et de Louise Michel, mi-sainte, mi-rebelle, mais dont les motivations pour combattre les forces du mal ne paraissent en fin de compte relever que de la logique affective et individualiste, plus que de la conscience réfléchie. D’une beauté glaciale rappelant la dystopie Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol (magnifique photo d’Akiko Ashizawa), bien servi par une partition musicale hitchcockienne qui évoque les stridences de Bernard Herrmann, Invasion réussit à combiner efficacité narrative et élégance esthétique. Le combat final entre deux des protagonistes n’en est pas la moindre illustration, malgré une pointe de grotesque qui n’entache que très peu son impact. Toutefois cette petite réserve, ainsi que quelques longueurs inhérentes aux 2h20 de projection, empêchent Invasion d’atteindre la perfection du diptyque ou de Creepy. Le film n’en demeure pas moins un bien séduisant objet de cinéma.
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