Le 28 janvier 2024
- Acteur : Raphaël Thiéry
- Distributeur : New Story
Dans L’homme d’argile d’Anaïs Tellenne, qui sort en salles ce mercredi 24 janvier 2024, le génial acteur morvandiau Raphaël Thiéry nous livre une prestation bouleversante.
Nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec Raphaël Thiéry lors d’une avant-première au cinéma Darcy à Dijon.
aVoir-aLire : Pouvez-vous nous parler brièvement de votre carrière de comédien avant de partager l’affiche avec Emmanuelle Devos dans L’homme d’argile ?
Raphaël Thiéry : J’ai une carrière qu’on peut qualifier d’atypique puisque j’ai commencé par être intermittent en 1986. Tout ça a commencé avec la pratique des musiques traditionnelles. Je suis né dans le Nord de la Côte d’Or à Sainte-Colombe-sur-Seine et j’ai eu la chance d’avoir deux frères aînés, qui au sortir des années 68, se sont mis au folk song dans les MJC, dans les foyers ruraux, et ils se sont intéressés ensuite aux musiques traditionnelles françaises. C’est là que j’ai rencontré un musicien qui jouait de la cornemuse, et mes frères se sont mis à la vieille et à l’accordéon, et je les ai agacé jusqu’au moment où ils m’ont acheté une cornemuse. J’ai commencé à jouer avec mes frères et par la suite, je me suis installé dans le Morvan où j’ai croisé des musiciens avec lesquels je me suis mis dans le professionnalisme. J’ai toujours été amoureux du texte et en duo, je me suis lancé dans un spectacle cabaret puis l’aventure théâtrale a suivi. Le tout avec la compagnie Taxi Brousse à Quetigny puis j’ai créé ma propre compagnie avec laquelle j’ai fait trois spectacles dont un seul en scène. Et puis dans l’univers où j’étais, on me disait toujours : "avec la tronche que t’as, tu devrais faire du cinéma". J’ai postulé pour un film d’Alain Guiraudie, Rester vertical. La réponse s’est faite attendre mais a été positive finalement.
aVoir-aLire : Comment avez-vous été choisi pour endosser le rôle principal dans L’Homme d’argile ? Casting ? Évidence ?
Raphaël Thiéry : Pour le film L’Homme d’argile, ça a été différent de Rester vertical qui nous a fait monter les marches du Festival de Cannes (film en compétition officielle en 2016) où on ne passe pas inaperçu. Un agent m’a repéré et on a échangé. J’étais un peu hésitant au départ parce que ce n’était pas mon milieu. Néanmoins, je me suis lancé, et de fil en aiguille, on m’a confié des rôles de plus en plus importants, notamment le rôle principal dans L’Envol de Pietro Marcello l’année dernière. Pour en revenir à L’Homme d’argile, en 2016, Anaïs Tellenne, la réalisatrice, sortait son premier court métrage. Il restait un tout petit rôle d’une demi-journée et le film était tourné en Bourgogne-Franche-Comté. Le rôle consistait à déménager le piano de Chopin. Je lis le scénario et une quinzaine de jours plus tard, je réponds oui en disant "je ne veux pas laisser Chopin dans la merde." Après, elle m’a confié le rôle principal de son second court et on s’est beaucoup côtoyés. J’ai tourné un troisième court, Modern Jazz avec elle. On s’est découvert une envie commune d’une certaine forme de cinéma, le cinéma d’auteur, le cinéma qu’on aime, le cinéma qui raconte à partir de la réalité, qui parle beaucoup des gens, et on ne voulait pas en rester là. Anaïs voulait absolument écrire un long-métrage. Il fallait trouver une source d’inspiration. J’ai dit à Anaïs que j’aimerais bien qu’on raconte l’histoire d’un homme qui ne se sente pas bien dans sa peau, qui est enfermé dans le regard des autres, de par son physique, de par son œil atrophié, qui vit en milieu rural, et qui un jour rencontre une femme venant d’un autre lieu ; et entre eux, une histoire démarre. Et c’est à partir de cette idée qu’elle a écrit L’Homme d’argile.
aVoir-aLire : Le film embrasse plusieurs genres : la comédie, le drame, la romance, le conte. Vous pouvez développer pour le spectateur ?
Raphaël Thiéry : Il n’y a eu aucune réflexion autour du traitement des genres, je crois. Il y a trois étapes fondamentales dans la création d’un film : il y a l’écriture du scénario ; il y a l’écriture sur le plateau ; et puis, il y a l’écriture au moment du montage. Anaïs ne voulait absolument pas écrire un film qui s’inscrive dans des cases bien précises. Elle a fait son film et maintenant, c’est vous, les journalistes, les gens du cinéma qui allez certainement le ranger dans des cases mais ce n’était pas du tout l’idée de départ. L’idée, c’était, pour elle, celle d’un conte moderne. Il y a toutes les ficelles du conte dans ce film mais c’était sans chercher une direction précise. C’était son propos qui était au cœur du travail.
aVoir-aLire : Si vous pouviez dire quelques mots qui pourraient inciter le spectateur à aller voir L’homme d’argile, ce seraient lesquels ?
Raphaël Thiéry : C’est un film qui met un peu en éveil les sens. C’est un film qui est très sensuel. C’est un film qui donne à réfléchir sur le rapport entre l’artiste et son modèle, l’artiste et sa muse. L’idée récurrente d’Anaïs, c’était que lorsque l’on va voir une œuvre dans un musée, on pense toujours à la personne qui a fait cette œuvre-là mais on ne s’interroge jamais sur le sujet. C’est aussi un film qui évoque aussi énormément les sens et le regard notamment. Quand on voit ce type enfermé dans le regard de trois femmes, on se demande s’il va s’en sortir grâce à Garance (Emmanuelle Devos).
aVoir-aLire : Quand Raphaël reçoit le compliment de Garance comme quoi son visage est beau comme un paysage -elle dit même un canyon-, c’est bon à prendre ou dur à encaisser ?
Raphaël Thiéry : Comme tu as vu le film, tu vois que ça fait de l’effet au personnage. Cela chamboule et puis je crois que le regard de cette femme l’autorise, lui un jour, à se regarder dans un miroir. Il arrive à s’accepter grâce à cette magnifique tirade.
aVoir-aLire : Il y a un peu de Raphaël Thiéry dans le Raphaël du film ?
Raphaël Thiéry : Beaucoup. Je suis un vrai borgne. J’ai eu un œil atrophié. J’ai été très moche jusqu’en 2000. Tu te fais immédiatement remarquer, avec la tronche que j’avais, quand tu rentres dans un bar. J’ai même été parfois violenté, ce qui m’incitait à sortir le plus souvent en bande. Si Anaïs m’a collé une cornemuse entre les mains dans le film, c’était pour faire ressortir le côté artistique des deux personnages. Raphaël est un artiste qui est confronté à une artiste. La cornemuse est, en quelque sorte, le prolongement de ce personnage : elle lui permet d’exprimer ses sentiments. Il est aussi artiste à sa façon.
aVoir-aLire : Le fait de rencontrer et de jouer avec Emmanuelle Devos, c’était un beau cadeau mais ça a dû être impressionnant, non ?
Raphaël Thiéry : Le rôle de Garance était prévu d’emblée pour Emmanuelle Devos. Parce qu’elle a une façon de parler et une façon d’être très spécifiques. On a eu la chance qu’Emmanuelle accepte. Quand on a fait la première lecture, le courant est passé immédiatement. Pas besoin de répétitions. Elle est vivante, elle est joyeuse, elle ne fait pas deux fois la même prise. Lors des scènes les plus intimes, on était Garance et Raphaël. Donc, c’était plus aisé que l’on pourrait le croire.
aVoir-aLire : Pouvez-vous nous parler du rapport de Raphaël avec la factrice ?
Raphaël Thiéry : C’était un peu ce que j’appelais mon rituel coquin. Si on regarde un peu dans chaque village, des Raphaël, il y en a plein. Des vieux gars qui vivent seuls avec leur mère, ça existe. Ils ont cependant des moments de plaisir qu’ils partagent avec des femmes qui sont dans la même situation qu’eux. La postière, dans le film, fait vraiment partie de leur univers, de leur quotidien. Pendant longtemps, il y a des gens pour qui la seule visite de la journée, c’était le facteur. Et puis, il y a cette femme qui est ma mère jouée par Mireille Pitot, 91 ans, son premier tournage. Cette femme formidable nous a apporté beaucoup de choses. Elle aimerait qu’il se mette en couple avec la postière pour garder Raphaël vers elle. Alors lorsqu’il s’éloigne, il y a une crise qui éclate.
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