Le 18 juin 2021
- Chanteur : Sylvie Vartan
- Auteur : Christian et Eric Cazalot
- Editeur : XO éditions
- Genre : Biographie
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 20 mai 2021
De Sylvie Vartan, on pensait tout connaître : de l’exil de sa famille, fuyant l’horreur du régime communiste bulgare dans les années 50, à son prochain récital au théâtre Edouard VII, en octobre prochain, pour fêter ses soixante ans de carrière, en passant par son histoire tumultueuse avec notre rocker national préféré, puis sa douce romance avec le producteur américain Tony Scotti. Elle a elle-même raconté sa vie avec Entre l’ombre et la lumière, paru en 2004. Pourtant, Christian et Eric Cazalot, auteurs de biographies et d’essais sur le spectacle et la télévision, ont ressenti le désir de poser un regard personnel sur le parcours de celle que la simple évocation de son prénom permet désormais d’identifier et que nous appellerons affectueusement Sylvie, tout au long de cette interview.
aVoir-aLire : Vous travaillez à quatre mains (Christian et Eric). Comment vous répartissez-vous les tâches ?
Christian et Eric Cazalot : On a fait les livres précédents dans le même bureau. On se retrouvait dans la maison de famille. Là, on a travaillé avec nos portables posés sur le bureau allumés toute la journée. On s’est partagé le travail. Chacun choisit un sujet, le traite de bout en bout et ensuite on réunit nos pages. Si on relisait le livre, on trouverait sûrement qu’on a oublié des choses que l’on avait envie de dire. Pour l’instant, j’écoute les commentaires des fans fidèles et je suis sidéré qu’ils me disent découvrir encore des détails qu’ils ne connaissaient pas.
Justement, où les avez-vous glanés, tous ces détails ?
Christian et Eric : D’abord, beaucoup nous ont été rapportés par Sylvie lors nos entretiens avec elle, pour préparer nos précédents ouvrages. On n’avait pas pu tout utiliser. Alors, on s’en est servi pour ce livre. Et puis, aujourd’hui, il y a Internet et les sites consacrés à Sylvie. L’un d’eux, Sylvissima, nous a été particulièrement précieux. Ses administrateurs ont fait traduire une multitude d’articles étrangers sur ses tournées des années 60 en Grèce, en Turquie, au Portugal, en Espagne... Ce qui donne un point de vue nouveau sur la manière dont les étrangers la (ou même les car Johnny était aussi concerné) percevaient. Et puis il y a les fans collectionneurs qui ont des documents formidables qu’ils ont mis à notre disposition. Et enfin, on a utilisé au maximum la presse populaire qui s’attache à démontrer comment l’histoire Johnny/Sylvie, puis l’arrivée de Tony (Scotti, le mari de Sylvie Vartan) dans la vie de Sylvie ont été vues par le public
Sylvie est-elle intervenue lors de votre phase de rédaction ?
Christian et Eric : Non, pas vraiment... D’abord, on lui a proposé le sujet quand elle revenue à Paris en septembre dernier. On n’allait pas le faire sans son approbation. Elle ne voyait pas très bien ce que l’on pouvait ajouter par rapport à la biographie qu’elle a déjà écrite. On l’a convaincue que l’on voulait « mettre notre patte » sur son histoire et elle nous a laissé faire. Elle n’a eu qu’une vingtaine de jours avant l’impression pour lire et faire la préface. Elle n’a rien fait modifier.
J’ai aussi beaucoup parlé avec Tony. Sans doute le public le connaît moins, mais je voulais que lui aussi nous donne son opinion sur les années 80.
Après Dans la lumière, puis Le style Vartan, c’est votre troisième collaboration avec Sylvie. Comment est né votre intérêt pour elle ?
Eric : Ça date de l’enfance. Mon frère Christian, plus âgé que moi, avait des disques de Gainsbourg, de Sylvie, de Françoise Hardy et de bien d’autres. En ce qui me concerne, c’est la voix de Sylvie qui est restée ancrée en moi, avec des titres comme Loup et La chasse à l’homme. Ensuite, j’ai été fasciné par les Palais des Congrès de 75 et 77, même si aujourd’hui mes souvenirs sont un peu flous, car j’étais très jeune, puis le Palais des Sports 81 qui étaient quand même, à l’époque, très révolutionnaires et m’ont vraiment marqué. Au début des années 2000, alors que j’écrivais pour la télévision, un éditeur m’a proposé de faire la même chose pour le show-biz. Ce sont Serge Gainsbourg et Sylvie Vartan qui ont eu sa préférence. Il nous a demandé de commencer par Sylvie. On ignorait à l’époque qu’elle même travaillait sur sa biographie. On lui a soumis le manuscrit de La fille de l’Est, sorti en 2003. Elle a gentiment reculé la date de sortie de son livre. C’est ça qui a déclenché notre première rencontre.
- Copyright Claudine Levanneur
Rarement un ouvrage avait révélé, autant que vous le faites, l’importance de l’influence d’Eddie Vartan, dans la carrière de sa sœur, mais aussi dans celle de Johnny. Qu’est-ce qui vous a incité à rendre hommage à cet homme de l’ombre, dont on parle si peu souvent ?
Christian et Eric : Nous sommes heureux de pouvoir revenir sur ce point. Beaucoup de spécialistes de Johnny (autant fans que professionnels) n’ont jamais réussi à prendre ce biais-là et ça nous désole. Même aujourd’hui, il y en a qui s’en étonnent. C’est pourtant l’histoire. Ce sont des faits. Ce n’est pas une opinion. D’abord Johnny et Eddie se connaissaient, avant que Johnny ne connaisse Sylvie et il y a eu une complicité immédiate très forte entre eux. Ça me paraît important de le dire. Eddie a une importance capitale dans la carrière de Sylvie. Tout commence par lui et je crois que ça lui fait plaisir qu’on en parle. Eddie, qui était hyper talentueux, déniche quand même des musiciens comme Micky Jones et Tommy Brown (ils travailleront autant avec Johnny qu’avec Sylvie) qui représentent ce qu’il y a de meilleur à l’époque. Il y a eu un son Eddie Vartan, un son qu’à l’époque en France aucun chanteur ne possédait, dont il a fait profiter sa sœur, mais Johnny, aussi. Françoise Hardy l’a souvent avoué, elle était envieuse de la tonalité des 45T de Sylvie. Et puis en 1979, il produit à nouveau Nicolas, qui n’est sans doute pas la chanson préférée de Sylvie, mais fut quand même un beau succès. On ne peut donc vraiment pas faire l’impasse sur ce qu’il lui a apporté.
On le constate à la lecture de votre livre. Sylvie a toujours évolué dans un univers professionnel essentiellement masculin. Est-ce que ça fait d’elle une féministe, au sens le plus noble du terme ?
Christian et Eric : Sylvie fait partie de cette génération de femmes qui sont féministes sans le savoir, comme Bardot. Si on leur fait remarquer, elles haussent les épaules alors que oui, bien sûr, elles le sont totalement. Bardot, c’est surtout du point de vue de la vie privée. Sylvie, c’est plutôt dans sa manière de vivre sa vie professionnelle. C’est elle qui a toujours décidé de tout. Au début, bien sûr, Eddie et Daniel Filipacchi l’ont guidée. Ça n’a sûrement duré que le temps de trois 45 tours et puis très vite, elle a su affirmer ses choix. Sylvie, c’est quelqu’un qui dirige.
Justement cette détermination et cette force de caractère dont elle fait preuve en toutes circonstances et que l’on retrouve dans toutes les pages de votre récit, c’’était la ligne directrice que vous vouliez donner à votre livre ?
Christian et Eric : Non, pas vraiment... Ces traits de caractère sont si évidents chez elle que ça ressort dans toutes nos anecdotes. Elle ne ressemble pas aux autres chanteuses de sa génération, dans le sens où elle a toujours dirigé seule sa carrière. Il n’y pas eu de mentor au-dessus d’elle pour décider à sa place de ce qui est bien ou pas. C’est elle qui décide avec ses équipes de mecs. Comme un garçon la résume parfaitement, à mi-chemin entre masculinité et féminité. Sur scène, elle alterne robe et smoking. A une époque où les femmes commençaient à s’assumer seules financièrement et socialement, elle reste un modèle pour toutes les femmes de sa génération. Depuis qu’on travaille avec elle, on la perçoit comme ça et on a eu envie de le montrer parce qu’elle-même ne peut pas en parler.
Vous ne cachez rien des failles de Johnny, sans toutefois l’accabler. J’ai cru déceler une certaine bienveillance de votre part. Est-ce que je me trompe ?
Christian et Eric : On a mis un point d’honneur à ne pas mettre de charge sur Johnny. Leur histoire, c’est la vie, c’est comme ça. Sylvie aussi pouvait être très dure et difficile. On a essayé d’être juste, en reprenant des extraits de la biographie de Johnny Destroy, pour que s’exprime la voix de l’un et de l’autre. On affirme un peu plus haut que Johnny a beaucoup profité des avantages professionnels de Sylvie, mais l’inverse est vrai aussi. Il y avait entre eux une émulation incroyable. On peut imaginer qu’elle a décidé de faire une salle comme le Palais des Congrès, parce qu’elle était lassée de le voir faire des Palais des Sports. Ils étaient en concurrence permanente en tête des hit-parades et sur scène, parce qu’il n’y en avait pas d’autres comme eux en France. Certes Sylvie était LA show woman mais lui aussi était une bête de scène. Ils se sont stimulés l’un l’autre tout au long de leur carrière à essayer de se dépasser et à prendre des risques énormes. On n’a aucune raison de donner une image négative de Johnny. Ils avaient tous deux une forte personnalité et leur dernier duo de couple marié (Béziers, août 80) montre bien qu’ils étaient dans un combat perpétuel. Et puis, Il y avait quelque chose de très enfantin et de très touchant chez Johnny : si Sylvie avait quelque chose, il le voulait aussi. Après leur divorce, ils sont restés très complices, les nombreux duos qu’ils ont faits par la suite le prouvent. On aime particulièrement ce mot de Sylvie qui dit qu’elle ne sait pas « désaimer ». Quand on a connu une passion pareille, ça paraît intelligent de savoir conserver des relations de bonne entente.
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Selon vous, quelle est aujourd’hui sa place dans le paysage de la chanson française ?
Eric : Quand je vois l’engouement des jeunes auteurs-compositeurs qui viennent de participer à son nouvel album, comme Clara Luciani, totalement fan des tubes des années 70 de Sylvie, Léonard Lasry ou Joseph d’Anvers qui lui ont offert des textes ciselés pour elle et ont pris un réel bonheur à travailler avec elle, je crois pouvoir dire que, pour les professionnels, elle est perçue comme une star culte, devenue incontournable. Pour le public, je pense qu’elle est désormais une légende. Son couple avec Johnny reste mythique. Il appartient à la culture populaire française. Ça ne lui appartient plus, elle en est consciente même si je pense que c’est difficile pour elle.
Vous faites la part belle à la complicité artistique entre Tony et Sylvie. Est-ce là le ciment de leur couple ?
Eric : Je ne sais pas ce qu’est le ciment de leur couple, mais ce que je peux dire, c’est qu’ils font plaisir à voir tous les deux. Ce mois-ci, je les ai vus travailler sur le nouvel album de Sylvie. On dirait deux ados excités par un nouveau projet. Ils donnent foi en l’avenir. C’est vraiment un couple superbe et je le pense depuis longtemps, depuis la première fois où je les ai rencontrés. Ils sont complémentaires, totalement différents du couple Johnny/Sylvie, qui était fusionnel. Chacun apporte à l’un ce qui manque à l’autre. En plus, ils partagent la même passion du métier, ce qui fait que s’entremêlent vie privée et vie professionnelle.
Quelles sont, pour vous, les années les plus tourbillonnantes de la vie de Sylvie ?
Christian et Eric : Ah, pas facile, cette question. Il y a une folie pure au milieu des années 60 quand Johnny est à l’armée. C’est difficile pour lui d’être enfermé pendant qu’elle fait le tour du monde, des télévisions américaines, le Japon, le film Patate. Mais elle avait vingt ans, en a t-elle eu conscience ? Puis, il y a les années 70 avec les spectacles au Palais des Congrès, qu’elle rôde en tournée en France et à l’étranger, avant de les présenter à Paris et de repartir les promener en province et comme ça, non-stop, jusqu’aux années 80. Là, c’est plus qu’un tourbillon, on se demande comment elle fait. Même elle maintenant, se pose la question. Sans compter qu’entre deux dates, elle prenait le volant de sa voiture, parce que Jean Luc (Azoulay, son secrétaire avant de devenir le célèbre producteur télé que l’on connaît) avait une trop mauvaise vue pour rouler dans l’obscurité. C’est quand même délirant d’imaginer que la fille qui faisait le show quelques heures plus tôt fait aussi office de chauffeur et conduit toute la nuit pour aller à l’étape suivante. C’était vraiment une autre époque ! Bon, on peut dire que le tourbillon a vraiment été non-stop. Son break des années 80 est léger. Oui, pendant sept ans, elle ne fait pas de spectacle à Paris mais dès les années 90, ça repart.
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Vous terminez sur une note optimiste d’une Sylvie pleine de projets. L’imaginez-vous poursuivre encore et toujours cette incroyable carrière ?
Eric : Je n’imagine pas Sylvie s’arrêter. Tony pas davantage. Le mot STOP, ils ne connaissent pas. Tant qu’ils pourront marcher, ils continueront d’avancer. Je suis sûr qu’après la sortie de l’album à la rentrée, ils auront envie d’en faire un autre... C’est génial, car il n’y a aucune raison de faire ses adieux, surtout quand on est plein d’énergie. Tous les deux sont dans une forme épatante. Tony, c’est un guerrier. Sa vie, avant qu’il ne devienne producteur, lui a permis de toucher au chant, au cinéma, de déceler tous les pièges d’ Hollywood, C’est passionnant de l’écouter parler de tout ça et on sent que c’est ce qui nourrit son attachement à ce métier.
406 pages
21,90 euros
Galerie Photos
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