À travers le miroir
Le 14 juin 2012
Labyrinthique et torturée, la dernière cathédrale filmique de Lynch tient debout grâce à la complicité du spectateur, plus que jamais invité à se perdre dans l’univers du cinéaste.
- Réalisateur : David Lynch
- Acteurs : Laura Dern, Harry Dean Stanton, Justin Theroux , Krzysztof Majchrzak, Jeremy Irons, Grace Zabriskie, Karolina Gruszka
- Genre : Drame, Fantastique, Thriller, Expérimental
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Durée : 2h52mn
- Date télé : 25 octobre 2023 22:59
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Reprise: 31 mai 2023
- Date de sortie : 7 février 2007
– Reprise en version restaurée : 31 mai 2023
Résumé : Nous voici plongés dans une histoire de mystère, l’énigme d’un monde au cœur des mondes, le secret d’une femme en proie à l’amour et aux tourments…
Critique : À peine remis de Mulholland Drive, les cinéphiles exégètes doivent compter avec Inland Empire. Poursuivant son exploration torturée de la psyché humaine, le système Lynch semble y atteindre son point de rupture, se consumant dans un gigantesque feu d’artifice psychanalytique.
Pour un film aussi long (presque trois heures, la durée du métrage étant susceptible de changer), tout semble aller très vite. L’implosion narrative, désormais marque de fabrique du cinéaste, ne se fait pas attendre. Une petite heure, à peine, et tout fout le camp. Laura Dern, superbe Alice, s’égare dans un pays d’ombres et de miroirs. Qui ne renvoient que le reflet de notre propre confusion. Jamais le cinéma de Lynch ne s’est autant rapproché du cauchemar, obscur, allégorique et électrifiant. Une pesanteur renforcée par l’utilisation de caméras digitales apportant à l’image une tessiture unique et inquiétante. Délaissant partiellement Los Angeles pour les rues désertiques de Pologne, le cinéaste s’amuse avec ses joujoux technologiques, se lâche, nous entraîne, nous perd.
Car voilà, Inland Empire n’a pas la rigueur géométrique d’un Lost Highway ou de Mulholland Drive. Les images et les situations ne sont pas aussi léchées, iconiques. Ce n’est d’ailleurs pas le but de ce melting-pot anxiogène contaminé par tout (à commencer par lui-même), qui se propose de revenir aux origines, profondément viscérales, de Eraserhead. Il n’en est pas pour autant une déception. Il a cette audace des films qui s’avancent nus, débarrassés des oripeaux esthétiques pour s’offrir tout entier à l’appréciation du spectateur. Lynch s’en amuse quand il s’agit de se complaire dans des gros plans d’une absolue grossièreté ou bien d’illuminer son plateau comme une telenovela. Ces fautes de goût, évidemment volontaires, apportent au film un surcroît de réalité tout à fait terrifiant. Il faut voir Lynch filmer la faune nocturne de Hollywood Boulevard pour comprendre la rupture qui s’est opérée dans son œuvre. Work in progress bouillonnant et organique, Inland Empire fascine autant qu’il irrite. Peut-être pas le chef-d’œuvre attendu, plutôt une sorte de home movie ultime, excroissance impensable du cinéma américain.
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strangedays 7 février 2007
Inland Empire - David Lynch - critique
« Une histoire de mystère. Au cœur de ce mystère, une femme amoureuse et en pleine tourmente. » C’est le résumé que fait Lynch de son film.
Il aurait tout aussi bien pu mettre : " Au coeur d’une femme amoureuse, le mystère d’une histoire tourmentée". ou encore " La mystérieuse tourmente d’un coeur plein de femmes historiques", etc. Bref, depuis quelques films, tout le monde sait que le "cinéma de Lynch" se résume grosso modo à un trousseau de clés "mystère" "femme" "double" "cerveau labyrinthe", etc. et que ça fait longtemps que "l’impressionnant David" ne perd plus de temps à écrire un scénario.
Qu’il suffit simplement de secouer ces "si étranges clés" pour en faire ressortir chaque fois un "arrangement mathématique" sensé être neuf. C’est pas compliqué du tout. Et ça peut être très joli ma foi. Le hasard est une aide précieuse en ces temps normatifs.
A partir de là, de deux choses l’une : Soit vous avez écrit une thèse sur Bettelheim (psychanalyse des contes de fées), suivie d’études approfondies de Deleuze, Freud, Merlau-Ponty (phénoménologie de la perception) et vous faites comme les Cahiers du Cinémâââ, vous êtes proprement saisis par "tant de génie", vous estimez qu’à ce niveau de sublime, l’oeuvre dépasse de loin son créateur, etc, etc... (par ailleurs, comme vous êtes aussi un pote de Mac Luhan et que vous savez que "the medium IS the message", vous êtes totalement guéri d’avoir été influencé par le fait que ce film était DE Lynch, de savoir qu’on ne voit que CE QU’ON COMPTE voir)
Soit, vous êtes juste un pauvre individu à peu près normal (98% de la population, quand même) et vous vous demandez ce que vous foutez là, assis dans un cinema pendant près de trois heures, au lieu d’aller vous promener dans les bois (ou sur le web), à essayer d’entr’apercevoir l’once d’un début de commencement d’histoire dans ce maelström d’images sonores et aléatoires.
Pour ma part, comme je suis un individu quantique, j’aime j’aime pas, je suis là et je ne suis pas là, je confie simplement mon avis au jugement du temps. Le meilleur juge. Et je verrai ce qui me restera de ce dernier opus lynchien dans une quinzaine de jours. Mais j’ai bien peur que faute d’avoir été marqué au fer du sens, tout soumis que je serai à des milliers d’images liquides d’ici là, il n’en subsiste quasiment rien. Si, l’émotion d’un regard de belle polonaise. Peut-être. Et deux accords de musique. Ça fait quand même pas bézef.
Une chose est certaine en tout cas : Lynch sait filmer les portes. Il y a pas loin d’une centaine de plans de portes, de poignées de portes, de serrures, dans ce film... Les portes de la perception sans doute.
lamazelle 12 février 2007
Inland Empire - David Lynch - critique
Bonjour,
Rien n’oblige à aller où l’on ne veut pas aller, bien-sûr, mais les films de Lynch sont des expériences à vivre, plus particulièrement Inland Empire. Il faut se laisser porter, vierge de toute idée préconçue, pour entrer dans son univers étrange et étranger, mais aussi parfois familier sans que l’on sache trop comment. Il faut accepter de ne pas comprendre tout : est-ce-que l’on comprend tout du monde et de nous-mêmes ?
Le terme masturbation intellectuel est souvent employé pour ce type de cinéma, n’est-ce pas une façon de mépriser ce que l’on ne comprend pas ? Le cinéma n’est-il pas le septième Art ? L’Art n’est-il pas là pour nous donner à voir le monde à travers les yeux des créateurs ? A travers son travail, le cinéma retrouve toutes ses lettres de noblesse.
Lynch est un génial créateur, laissez-vous emporter par ce film qui résonne dans notre inconscient ! Tour à tour il caresse, secoue, agresse, libère...!
Bon après-midi !
Lamazelle
lamazelle 17 février 2007
Inland Empire - David Lynch - critique
Je me répète : Lynch fait appel là à nos sens et à notre subconscient. Il faut se débarasser du besoin de tout comprendre à tout prix pour se laisser aller au ressenti. Il y réunit tout son travail de créateur, c’est un language, son language. Du cinéma expérimental, L’expérience du ressenti, l’art qui pose des questions et laisse à voir le monde."Eraserhead" est celui de ses films qui se rapproche le plus "d’Inland Empire" à mon sens.Une expo le 03 Mars à la Fondation Cartier lui est consacrée, d’autres aspects de son travail. J’en profite pour ajouter la quatrième étoile que le Net avait mangé !!!
http://www.fondation.cartier.fr/main.php?lang=1&small=0
Odile
Voir en ligne : Le site de David Lynch à voir
Norman06 22 avril 2009
Inland Empire - David Lynch - critique
Après L’Année dernière à Marienbad, 8 1/2 et Providence, voici un nouveau chef-d’œuvre de l’exploration d’un univers mental. Le style de Lynch est intact dans ce qui est sans doute son film le plus radical. Ce trip sans concessions et ses 4 heures se méritent. Spectateurs pressés du samedi soir s’abstenir.