Littérature francophone
Le 15 octobre 2002
Joncour passe au microscope l’idéal familial... Humour grinçant.


- Auteur : Serge Joncour
- Editeur : Flammarion
- Genre : Roman & fiction

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Equipée déjantée de deux gamins trop vite grandis, à la recherche de la famille Ricoré, Serge Joncour nous plonge, avec son troisième roman, dans un monde sans pitié. In vivo passe au microscope l’idéal familial... Humour grinçant.
Deux frères font de leur abandon un univers d’absolu et de toute puissance. Livrés à eux-mêmes par "le monoparental", le père flic et démissionnaire, ils se construisent une vie rêvée de bonheur familial,de lits aux draps bien tirés, d’odeurs de cuisine. Leurs berceuses s’appellent Temesta, Lysanxia ou Xanax, et le petit s’endort en serrant bien fort, sous son oreiller, l’arme de service piquée à son père.
Ils ne sont pas malheureux non plus. Le plus jeune se laisse parfois aller à certains épanchements, des besoins de câlins... Mais avec le père, "on se serre la main parfois, sans s’encombrer de la bise". Pour le reste, le père n’a pas d’ambitions éducatives. Il ne pose pas de questions, et leur obéit au doigt et à l’œil. Le minimum, pour être tranquilles. Alors, ils peuvent penser à leur plan, leur seul rêve, trouver la maison Ricoré, avec son parasol, ses carafes de jus d’orange, ses volets bleus et son soleil éblouissant, et bien entendu, la famille qui va avec !
L’histoire des enfants est racontée par l’aîné, très responsable, empreint d’une distance réfléchie mais totalement décalée face aux évènements. En parallèle, un homme observe sa piscine se transformer en cloaque. Sa femme, en mal d’enfants, l’épie de la fenêtre dans sa contemplation de la vie qui prend forme au fond du bassin aux allures de marais poitevin... L’homme est gynécologue, spécialisé dans les traitements de la stérilité, incrédule devant sa propre incapacité à transmettre la vie. Les deux trajectoires vont bien sûr se rencontrer, les enfants apparaissant comme une émanation miraculeuse de cette piscine grouillante d’une vie anarchique.
Serge Joncour fait de cette quête désabusée un roman étrange, insolite, déroutant. Les personnages n’ont pas d’histoire, pas de quotidien. La langue est précise, clinique. In vivo. Le titre n’est pas un vain mot. On tranche dans le vif ! Et en même temps, on se laisse emporter par la richesse de l’écriture, qui dit aussi le vivant, la vie qui s’insinue malgré tout, à l’image de cette piscine éprouvette, d’où surgit tant bien que mal ce qu’on n’attendait plus. Pas de bonheur... Plutôt une sorte de sérénité précaire... Ne pas savoir, prendre ce qui vient. Le passé est aboli, l’avenir n’existe pas... Aujourd’hui... Pas de questions.
Serge Joncour, In vivo, Flammarion, 2002, 298 pages, 18 €