Les étoiles s’éteignent à l’aube – Vincent Turhan – la chronique BD

Richard Waganese (1955-2017) est l’un des principaux journalistes et écrivains amérindiens du Canada. Il appartient à la nation ojibwé, comme les personnages de ses treize romans, dont Medicine walk (2014) traduit en Français par les éditions Zoé sous le titre Les étoiles s’éteignent à l’aube en 2016. Le titre anglais du roman traduit parfaitement le propos du roman qu’adapte Vincent Turnhan : narrer le dernier voyage d’Eldon qui, au seuil de sa mort, désire exorciser ses démons en obtenant le pardon de son fils. Cet homme alcoolique qui n’a jamais été élevé dans la tradition ojibwé aspire à mourir en guerrier, au sommet d’une montagne où il pourra observer les étoiles. Selon les coutumes de son peuple, les étoiles sont en réalité les feux de camp réalisés par les anciens de la tribu lorsqu’ils cheminent vers l’au-delà. Ces étoiles « s’éteignent à l’aube » puisque, le soleil levé, ils reprennent leur route.

Richard Waganese (roman) et Vincent Turhan (adaptation) – Éd.Sarbacane

Vincent Turhan s’empare avec succès de cette matière première pour livrer à son lecteur un album poignant et d’une grande beauté graphique. Séquencé par des pages blanches, le récit alterne judicieusement entre des planches contemplatives et les dialogues acérés entre ses personnages, puisque Frank place son père devant ses multiples manquements. Le lecteur navigue également entre le présent et le passé d’Eldon, lorsque ce dernier raconte son histoire – puis, finalement, celle de sa mère – à ce fils qu’il n’a pas eu le courage d’élever. Le graphisme est de toute beauté : les planches réalisées au crayon gras forment des compositions paysagères sublimes aux couleurs nuancées.

Cet album plein d’humanisme suscite chez son lecteur un panel contrasté d’émotions, entre la tristesse face à la déchéance et au destin d’Eldon et l’espoir incarné par Frank qui tâche – tant bien que mal – de surmonter la malédiction de ses origines. Difficile, en tout état de cause, de rester indifférent face à la beauté d’un tel récit. Les étoiles s’éteignent à l’aube constitue ainsi une très belle surprise de ce début d’année.