"On n’aime pas son ennemi, mais on le respecte"
Le 17 mai 2020
Un vibrant hommage aux Amérindiens, avec comme décor les sublimes paysages du grand Ouest. Tout simplement l’un des meilleurs westerns vus récemment.
- Réalisateur : Scott Cooper
- Acteurs : Christian Bale, Peter Mullan, Rosamund Pike, Adam Beach, Ben Foster, Timothée Chalamet, Wes Studi, Jesse Plemons
- Genre : Drame, Western
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h13mn
- Date télé : 9 mars 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Box-office : 370.330 entrées France / 119.960 entrées P.P. / 29.819.114$ (recettes USA)
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 14 mars 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : En 1892, un légendaire capitaine de l’armée américaine accepte à contrecœur d’escorter un chef de guerre Cheyenne et sa famille, désireuse de retourner sur leurs terres tribales. Sur le chemin, qui va les emmener du Nouveau Mexique au Montana, ils doivent faire preuve de solidarité pour survivre à l’environnement et aux tribus Comanche qu’ils rencontrent, en compagnie d’une veuve dont la famille a été assassinée.
Critique : Symbole par excellence du cinéma américain, qui a vu la ruée vers l’or et la conquête de l’Ouest reproduites encore et encore pour un public féru de thèmes forts comme la rédemption, le western est le genre cinématographique qui explique le mieux, via son regard historique et sa mythologie, l’Amérique contemporaine (le rapport aux armes, la diversité ethnique...).
Ce genre moribond qui a connu son heure de gloire entre 1920 et 1950, puis ponctuellement via des titres phares pendant les décennies suivantes - en vrac, l’on citera Danse avec les loups, Il était une fois dans l’Ouest, Pale Rider ou encore récemment True Grit, des Coen, - a de nouveau toutes ses chances de retrouver l’intérêt du public grâce au nouveau film de Scott Cooper, Hostiles.
- Copyright Metropolitan FilmExport
Aujourd’hui, après des années d’errance qui ont vu le genre être largement sous-représenté en salles, le western renaît, entre parodie, revendication politique et regard critique nécessaire pour comprendre son époque. On n’oubliera pas de mentionner les hommages aux grands maîtres, avec des approches et tons aussi variés que dans Albert à l’ouest, de Seth MacFarlane, d’un côté, ou le sardonique Django Unchained, de Quentin Tarantino, de l’autre.
C’est dans ce contexte que le réalisateur américain Scott Cooper (Strictly Criminal, Les Brasiers de la colère) présente Hostiles, western qui se joue des codes du genre classique avec maestria puisqu’en tant que western moderne, il ne tombe pas dans le piège du manichéisme, se refusant de dépeindre le conflit en se servant de raccourcis, entre Indiens forcément sanguinaires et colons bienveillants.
Loin de l’idéologie de la "Destinée Manifeste", promue dans les westerns de propagande qui tentaient de justifier la colonisation du continent nord-américain par des Anglo-saxons, peu soucieux du bien-être des Amérindiens, ce très beau long-métrage place son action à l’aube de la Révolution industrielle, après les guerres qui ont opposé colons et Indiens, tout comme la guerre fratricide entre Cheyennes et Comanches, et s’attarde sur les conséquences d’un conflit dont les morts se sont comptés par dizaines de milliers.
- Copyright Metropolitan FilmExport
Les batailles anciennes ne semblent plus avoir aucun sens pour les autorités, tandis que les populations autochtones ont été vaincues, et sont parquées dans des réserves. Les soldats, pour leur part, sont peu à peu ramenés à la vie civile, après n’avoir connu que l’armée pendant vingt ans.
Au cœur de superbes paysages filmés par une caméra inspirée, qui veut exalter la beauté de la nature et des terres américaines, Hostiles s’attarde sur trois personnages dont le caractère a été forgé par la souffrance et la violence de l’Ouest du XIXe siècle.
Après vingt ans de bons et loyaux services qui l’ont vu promu au rang de capitaine, la légende de l’armée américaine, interprétée par Christian Bale, est menacée de cour martiale s’il n’escorte pas son plus vieil ennemi, le chef de guerre des Cheyennes du Nord, prisonnier des colons et malade d’un cancer, sur ses anciennes terres où le gouvernement américain, magnanime, l’a autorisé à retourner avant de mourir.
Ces deux hommes, qui se sont livrés une guerre sans merci, vont devoir s’entraider pour parcourir les 1500 km qui séparent le Nouveau-Mexique du Montana, accompagnés des frères d’armes de l’un et de la famille de l’autre. Menacés par des Comanches assoiffés de vengeance, ils sont rejoints par la seule survivante d’un massacre, interprétée par une Rosamund Pike dont les yeux effrayés sondent les ennemis d’hier à la recherche de la part d’humanité qu’elle a perdue.
Tout l’enjeu du film est de montrer que la notion de frontière, notamment entre les hommes, s’efface quand la solidarité est nécessaire. Est-ce que ces deux hommes que tout oppose vont finir par se respecter et comprendre que la vision qu’ils avaient l’un de l’autre a été manipulée par autrui ? Toute ressemblance avec l’Amérique d’aujourd’hui et les questions raciales qu’elle se pose encore n’est peut-être pas fortuite.
- Copyright Metropolitan FilmExport
Si le réalisateur n’a pas entre les mains la même puissance d’un Sergio Leone ou l’acuité d’un Clint Eastwood (Impitoyable), il est sans nul doute une pointure dans la direction d’acteurs. Comme dans Les brasiers de la colère, Scott Cooper parvient à tirer le meilleur d’un Christian Bale impressionnant dans le rôle d’un homme qui voit l’ancien monde qu’il représente s’effondrer. Le masque qu’il a dû construire pour mener ses soldats à la bataille, se fissure minute par minute et dévoile une fragilité qu’il n’avait pu exprimer jusqu’alors.
Les scènes qu’il partage avec Wes Studi, qui prête ses traits au grand chef cheyenne Yellow Hank, sont d’une rare intensité et participent à la réussite globale d’un western où les différences, jadis sources de tourments, deviennent ressemblances. Les chagrins et les pertes terribles qu’ils ont vécus les renvoient l’un à l’autre dans un jeu de miroirs subtil.
Ce western, à l’esthétique magnifique, tire surtout sa "flèche" du jeu dans le portrait très juste qu’il fait des peuples amérindiens. Cultures, traditions et langues, celles des Comanches d’une part, et des Cheyennes d’autre part, sont reproduites avec efficacité mais surtout beaucoup de respect.
- Copyright Metropolitan FilmExport
Composée par Max Richter, la musique participe également à la splendeur de la reconstitution d’une époque, certes violente, mais qui n’avait pas encore été souillée par l’industrialisation, la mécanique et le béton. Les teintes musicales, douces et délicates, évitent l’omniprésence, pour accompagner une mise en scène, où le réalisme des sons - le souffle du vent, le hennissement des chevaux -, n’est pas sacrifié.
Signe que le western a encore de beaux jours devant lui, le portrait sensible d’un peuple qui a tout perdu, et le dépaysement absolu qu’offre cette odyssée permet d’interroger avec pertinence notre rapport aux autres ; il confronte le libre arbitre au discours politique dominant, ou encore sur la façon dont, embrigadés par plus puissants que nous, nous pouvons nous laisser entraîner dans des décisions dramatique aux terribles conséquences. Bref, du grand cinéma, profond et tout en nuances.
- © 2018 Metropolitan FilmExport Distribution. Tous droits réservés.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.