Héléna - la chronique BD

Résumé  :
Nous suivons Simon sur la route de son mariage avec Estelle. Ce pourrait être le plus beau jour de sa vie, mais qui croise-t-il devant la mairie ? Son amour de jeunesse, belle blonde répondant au doux nom d’ Héléna. Enfin, son amour inavoué puisqu’il n’a jamais réussi à sortir avec cette magnifique jeune fille... Du coup, rien ne se passe comme prévu et Simon saborde son mariage le jour même des noces juste à cause de cette rencontre fortuite. Il parvient à revoir Héléna mais ne sachant comment s’y prendre avec elle, il lui propose le plus singulier des marchés... Aussi étrange que cela puisse paraître, au fur et à mesure de l’histoire, on se demande si ce mariage raté n’était pas bel et bien le plus beau jour de la vie de Simon.

Notre avis :
Les sentiments à la lecture d’une nouvelle BD de Jim se rapproche de ceux éprouvés dans l’attente créée par un premier rendez-vous. On ne sait pas trop comment cela va se passer, on s’inquiète un peu, on a peur d’être déçu, on croise les doigts pour que ce soit une bonne surprise, on est tendu. Avec Héléna, Jim parvient à nous proposer quelque chose de nouveau, tout en traitant une thématique vieille comme le monde qu’il a déjà parcourue plusieurs fois dans son œuvre : l’amour. Et nous voilà sur la côte d’Azur. On pourrait alors s’attendre à une histoire un brin bling-bling dans l’univers des Casino, de la Riviera, de la richesse et du luxe. Le Negresco pointe le bout de son dôme mais en fait, rien de tout cela. Nous restons près de Simon, un jeune homme simple, de son meilleur pote José et de la trop belle Héléna. On se rend compte que les gens simples peuvent vite avoir des histoires compliquées, même s’ils vivent sous le soleil du sud.

Simon fait basculer sa vie suite à une simple rencontre, retrouvailles avec une amie d’enfance, Héléna, qui font remonter des souvenirs et qui le poussent à prendre une décision hallucinante de prime abord : dire Non le jour de son mariage.
Pour compenser cette erreur, un héritage semble arriver providentiellement et lui simplifier la vie mais il n’en est rien. Simon apprend que l’argent ne résout pas tout. Et on s’attache à ce personnage qui tente, à sa manière, de conquérir le cœur d’une fille qui, de prime abord, ne semble pas du tout faite pour lui ; tout cela en lui proposant un improbable marché.
Et Jim développe avec grâce son idée dramaturgiquement très forte. Le protagoniste, Simon, veut séduire la femme de ses rêves, Héléna. Il a le moyen de passer trois heures par semaine avec elle, et donc, pendant trois heures, il tente d’atteindre son objectif, séduire cette fille qu’il a sous les yeux et qui est là uniquement pour lui ! Un postulat incroyable qui fonctionne à merveille. On est accroché et on n’attend qu’une chose, que vont-ils se dire ? Et ces rencontres sont traitées d’une manière si vraisemblable, avec un Simon qui cherche ses mots, qui ne sait pas quoi dire justement dans cette occasion si étrange. Tout cela est si bien vu qu’on ne peut que soupçonner Jim d’être un grand timide pour cerner si parfaitement les pensées et les actions de Simon, cet autre timide.

Le talent de l’auteur, en plus de tout cela, nous promène au travers de cette relation, où chacun se dévoile et se cache, où une phrase dite n’est pas forcément une vérité, et où un mensonge peut dévoiler énormément de choses !
Comme l’on s’attache à Simon, on se prend de sympathie pour Héléna, la femme inaccessible ? Jim parvient à ce tour de force en la rendant si humaine, si proche de nous quand la coquille se brise.
A notre goût, seul José, le meilleur ami, reste peut-être trop archétypal et manque de cette petite saveur, de cette petite originalité, de cette petite profondeur qui fait que l’on souhaiterait tous avoir un meilleur ami comme lui ou qu’au moins, on ne l’oublie pas au cours de l’histoire.
Mais attention, l’action se déroule en deux volumes et il est dur de prédire comment les personnages vont évoluer dans le second tome, au vu du final surprenant du premier !
De même, cette rencontre initiale, qui relève d’un hasard tout autant surprenant, quasi invraisemblable, presque un Deus Ex machina, contraste tellement avec la finesse narrative dont Jim sait faire preuve, qu’on ne peut que se dire que le second tome va nous apporter une curieuse révélation sur cette – prétendument fortuite - rencontre qui a tout lancé.

Pour cette histoire, Jim a cédé le crayon à Lounis Chabane. Le dessinateur réussit un pari assez fort. Le trait nous offre un style proche de celui de Jim tout en opérant une réappropriation qui fait qu’on sent que ce n’est pas le scénariste qui est aux pinceaux. Peut-être cela est-il dû en partie au travail de Delphine sur les couleurs, qui, rappelons-le, a œuvré également sur Une Nuit à Rome. Ce style réaliste, des poses vivantes, ces émotions qu’on attrape au détour d’un visage ou d’une attitude rajoute encore à l’histoire. Le dessin sert subtilement le récit et on retrouve un peu cette ambiance chaude d’un Nice estival, ou plutôt un Nice en fin d’été. Des couleurs claires mais pas explosives qui renforcent cette atmosphère feutrée et douce qui s’instaure chaque jeudi dans la vie de Simon.

Le cadrage reste simple. Deux à quatre bandes de une à quatre cases ponctuées de quelques dessins pleines pages laissent le temps s’installer dans la narration. Cette absence de case étroite donnent au dessin la place pour s’exprimer pleinement.
La mise en scène conserve elle aussi la simplicité. Pourtant, elle prend soin de ne jamais nous égarer, de rester près des personnages, tout en nous donnant un bel et discret aperçu de leur espace de vie, l’appartement de Simon autant que cette belle ville de Nice.
Et ces choix graphiques renforcent encore le propos. Des personnages, des ambiances simples mais des vies si compliquées. Lounis Chabane parvient à nous faire sentir le vent du large, presque l’odeur de la mer, le tapotement de la pluie sur la fenêtre. Une manière inattendue de frôles les Correspondances Baudelairiennes.

Avec l’aide de Lounis Chabane, Jim nous offre une tranche de vie, une tranche étrange en forme de tapis volant pour nous emmener au pays des sentiments. Cette nouvelle histoire ne peut que nous donner envie de découvrir le film que préparent Jim et Stephan Kot, J’aime Autant qu’on ne se quitte pas, dont la première partie a réussi à trouver un financement par ulule.
Espérons que Jim saura être attentif à garder ce doigté si particulier qui lui permet d’effleurer délicatement l’émotion pour nous offrir une belle comédie amoureuse.

Héléna se vit comme un premier rendez-vous. Oui, tout n’est pas parfait, quelques interrogations planent mais le charme et la magie sont bien là. Alors, on n’attend qu’une seule chose : le prochain rencart pour partager encore un peu de la vie de ces personnages si attachants et de ce couple si improbable.

Quand la BD Héléna impacte la vie de Zéda