Le 11 mai 2022
Les fans de la série Game of Thrones la connaissent par cœur et salivent à chaque fois que l’intro « HBO entertainment » annonce le début tant attendu du nouvel épisode. Créée en 1972, HBO, dont l’accès aux programmes impose un abonnement spécifique, propose en retour un contenu bien plus transgressif que les bouquets familiaux offerts par les plateformes habituelles. Une singularité qui passe par la nudité, le sexe et la violence. Une signature érigée en ligne éditoriale que Benjamin Campion propose d’étudier dans son dernier ouvrage intitulé HBO et le porno, qui prolonge et complète Le concept HBO paru en 2018. Un travail passionnant et richement illustré.
- Auteur : Benjamin Campion
- Editeur : Presses universitaires François-Rabelais
- Genre : Essai
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 24 mars 2022
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : En 1995, Chris Albrecht prend la direction des programmes de la chaîne américaine payante HBO, augmentant le budget du département des créations originales lequel passe de 50 à 300 millions de dollars. Un an plus tard, le slogan « It’s not a TV. It’s HBO » est lancé avec la promesse d’un contenu pas comme les autres. En tant que chaîne premium, HBO occupe en effet le pôle le moins régulé du paysage audiovisuel américain et peut, à ce titre, flirter sur l’audace sans risquer un rappel à l’ordre systématique des institutions fédérales de régulation. Du coup, une liberté presque totale permet aux créateurs d’aller toujours plus loin avec des séries qui vont surprendre le téléspectateur à compter de 1997. "Sex and the City" (1998-2004), "The Sopranos" (1999-2007), "Six Feet Under" (2001-2005) vont ainsi s’inscrire sur la durée et bousculer les habitudes. Le dimanche soir devient sacré et il permet à "Game of Thrones" (2011-2019) de fidéliser en entretenant une relation particulière avec le sexe et la violence parfois liés. Progressivement, mais sûrement, HBO décide de raconter des histoires par le sexe…
Critique : Benjamin Campion, que l’on connaît bien pour son blog Des séries et des hommes d’abord hébergé par Libération avant d’être recueilli par Le Temps, s’est toujours penché sur le berceau de la télévision et des plateformes, bien avant qu’elles ne connaissent l’essor et la popularité que l’on sait. Édité aux Presses universitaire François Rabelais au mois de mars 2022, HBO et le porno explore, sur plus de quatre cents pages, l’univers impitoyable des séries HBO, l’éditeur américain qui ose s’aventurer sur les représentations frontales de la nudité et du sexe explicite.
Cette approche scientifique, construite en trois parties égales, permet au lecteur de distinguer la politique offensive mise en œuvre par Chris Albrecht pour conquérir un marché aujourd’hui saturé par les plateformes et leurs créations originales. Si la série Girls (2012-2017) a indiscutablement franchi certaines limites, The Deuce (2017-2019) les a pulvérisées en racontant la naissance de l’industrie du cinéma porno à New York au début des années 1970, en allant même jusqu’à offrir un épisode sur Boys in the Sand (Wakefield Poole, 1971), le tout premier film gay pornographique mainstream. En 2019, la série Euphoria va encore plus loin en montrant des adolescents nus, violents, copulant et se droguant. Tim Winter, le président de l’association familiale Parents Television Council (PTC) s’en étonne publiquement : « HBO a beau afficher une signalétique indiquant que le programme est réservé à un public adulte, qui regarde une série sur des lycéens, à part des enfants en âge d’être au lycée ou au collège ? »
Comme Linda Williams avant lui - qui s’était interrogée sur l’histoire de la sexualité sur les écrans américains (Screening Sex, éd. Capricci, 2014, 260 p.) -, Benjamin Campion explore ici les stratégies narratives et visuelles adoptées par les séries HBO pour mettre en scène « les corps sexuels » (se reporter à l’ouvrage collectif Représentations-Limites des corps sexuels dans le cinéma et l’audiovisuel contemporains, dir A. Gaudin, M. Goutte et B. Laborde, éd. Presses Sorbonne Nouvelle, 2017, 238 p.) : une démarche engagée, éducative, récréative ou purement spéculative ? Complaisance ou nécessité ? En bon universitaire, Benjamin Campion ne répond pas directement à la question, préférant évidemment la démonstration à la simple affirmation. Ce sont donc 75 séries, 197 saisons et 2 008 épisodes que l’auteur a ingurgités pour isoler 1288 occurrences de nudité et/ou de sexe destinées à mieux comprendre la part du frontal et de l’explicite dans la production sérielle de la célèbre chaîne américaine. Et les questions sont nombreuses ! Le plaisir masculin est-il surreprésenté ? L’orgasme féminin est-il invisibilisé ? Qui jouit le plus dans les séries HBO ? Ce travail passionnant et richement illustré est à ranger au rayon des porn studies que les enseignants et les chercheurs français commencent enfin à défricher.
422 pages
28€
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