Le 7 mai 2021
- Titre original : Harvey
- Date de sortie : 6 mai 2021
- Titre original : Harvey
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Incisive, cette novella pointe du doigt le sentiment d’impunité des Américains blancs et cinquantenaires, embrasse la perspective d’Harvey Weinstein pour mieux les tourner en dérision, lui et son auto-apitoiement. Audacieux.
Résumé : Harvey a mal partout. Le bracelet électronique n’arrange rien, il a les chevilles fragiles et craint de chuter dans l’escalier tapissé de la villa qu’on lui a prêtée. Demain c’en sera fini, il sera disculpé de tout ce qu’on lui a mis sur le dos dans le seul but de lui nuire. Il pourra se lancer dans de nouveaux projets. Entre deux coups de fil à ses avocats, avec lesquels il s’efforce d’être patient, il aperçoit Don DeLillo dans le jardin voisin. Adapter son chef-d’œuvre, {White Noise} ({Bruit de fond}), au cinéma. L’urgence, plus rien ne compte. Tout le monde semble penser qu’il joue sa vie, demain. Il ne voit pourtant pas de raison de s’inquiéter, surtout quand il lit les commentaires de soutien sur internet – il y en a –, surtout après la perfusion qui le fait dériver dans l’espace. Il a tout le temps devant lui.
Critique : L’ironie d’Emma Cline ne provoque pas de rires, mais fait davantage de la peine pour ce pauvre héros, qui n’est autre qu’Harvey Weinstein, se percevant comme une victime et non comme le violeur que la justice a condamné. L’auteure a ainsi l’audace de se frotter à #MeToo et à l’un des « monstres » de notre société, qu’elle s’attache à rendre ordinaire, pathétique, plein de manies et de lubies à mille lieues des faits qui lui sont reprochés au temps du livre – faits pour lesquels il est désormais sous les barreaux. On pourrait presque critiquer l’écrivaine pour son empathie envers Harvey, dont le nom de famille n’est jamais spécifié, pour cette dénégation de ses fautes. En réalité, elle se contente d’embrasser la perspective d’un homme convaincu d’être dans son bon droit, pourtant déjà porteur d’un bracelet électronique, noyé dans un auto-apitoiement qu’elle ne pouvait pas ne pas transformer en matériau littéraire. Elle insiste sur cette capacité à s’illusionner, intrinsèque à tout Américain et qu’elle aime à pointer du doigt, scènes satiriques à l’appui. Elle rappelait également au New Yorker, dans lequel ce texte fut originellement publié, que « la curiosité vis-à-vis d’une conscience ne signifie pas l’approbation. » Pour elle, les anti-héros ont autant leur place dans la fiction que les personnages vertueux : se plonger dans la psyché d’un coupable, ce n’est certainement pas l’absoudre.
Sa novella s’attarde sur le déclin de cet homme, sur le jour précédant la fin de son procès et son incarcération pour vingt-trois années. Ces dernières vingt-quatre heures de liberté ont un goût de normalité : le producteur-harceleur est entouré de sa cour, enveloppé de fantasmes, se traîne de son canapé à la salle de projection où Netflix a remplacé les longs-métrages de grande envergure, de son fauteuil à son bain où il macère dans l’eau chaude, semblable à « un sachet de thé ». Le ridicule enfle de page en page, enrobant un vieux rêveur, malade, obèse et obsédé par la future adaptation de White Noise de Don DeLillo, grand auteur qui vivrait dans la maison voisine, et qu’il produira dès qu’il sera acquitté, car il le sera, bien entendu…
Emma Cline - Harvey
Editions la Table Ronde
112 pages
115 x 190 mm
14 euros
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Galerie photos
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