Le 16 mars 2016
- Scénariste : Sean Michael Wilson>
- Dessinateur : Chie Kutsuwada
- Genre : Adaptation, Seinen
- Editeur : Budo Editions
- Famille : Manga
- Date de sortie : 1er novembre 2014
- Durée : 1
Hagakure, le code du samouraï est une adaptation d’une partie du recueil d’écrits de Yamamoto Tsunemoto décrivant le bushido, la Voie du Combattant, le chemin que doit suivre tout bon guerrier, et donc à l’époque tout bon samouraï.
Résumé :
Le jeune scribe Tsuramoto Tashiro vient à la rencontre, dans une maison perdue au fin fond de la campagne médiévale Japonaise, du vieux Yamamoto Tsunemoto. Il propose au vieil homme ses services comme disciple. Tsunemoto, figure historique, va lui transmettre son savoir en illustrant ses propos de récits courts permettant de mieux comprendre le Hagakure, « La Voie du Samouraï » !
Notre avis :
Cinq chapitres pour cette approche de la voie du guerrier ! Le premier permettant de poser la structure du récit, les personnages et l’ambiance. Les quatre autres abordant des sujets précis et expliquant quelle attitude doit adopter le samouraï dans certains cas pour mettre en avant ses valeurs, comme la loyauté, la sincérité, la vengeance, le kaishaku et le seppuku.
Il faut savoir que ce Hakagure en BD ne vous fournira qu’une approche partielle du bushido. En effet, le Hagakure initial comprend pas moins de onze volumes ! Perdu au fil de l’histoire, c’est au travers de copies retrouvées de ci, de là qu’on a établi une version moderne. Ce qui fait que pour lire le Hagakure, vous pouvez vous lever de bonne heure. Quelques traductions de certaines copies ne vous donnent pas forcément un aperçu clair de ce que devait être la version initiale.
Si on rajoute à cela qu’il s’agit d’une suite de réflexions qu’a faites Tsunemoto sur la voie du guerrier, mélangée à des informations sur la province de Saga et les hauts faits de ses seigneurs et guerriers, vous pouvez envisager la complexité du problème.
Sean Michael Wilson s’est basé sur la version de Scott Wilson, qui serait basée sur la copie incluse dans « Aperçu de la pensée Japonaise ».
Tout ce petit préambule pour vous préparer au choc qui vous attend. En effet, certaines histoires mettent plus en avant des valeurs que nous appelons communément aujourd’hui l’orgueil et une certaine forme de lâcheté présenté comme étant des moyens de défendre la loyauté ou la vengeance.
Nous avons en tête l’image du Samouraï intransigeant, prêt à tout pour accomplir son devoir, même au sacrifice ultime de sa vie pour racheter ses fautes ! Tout cela avec l’optique de conserver son honneur. Cet aperçu bédéistique dévoile, par certains aspects, un visage bien moins romantique et plus terre-à-terre. C’est pour cela qu’il faut savoir prendre cette BD avec des pincettes et se référer sans aucun doute à l’œuvre originale - ou du moins ce qu’on peut en trouver -.
Expliquons-nous par l’exemple :
La deuxième histoire du premier chapitre raconte comment un samouraï reçoit l’ordre de tuer un autre samouraï qu’il héberge chez lui. Il attend que sa future victime se lave les pieds devant son serviteur – un combattant expérimenté – pour... L’attaquer dans le dos !
L’autre dégaine pour se défendre mais dans la précipitation et l’exiguïté de la situation, tranche la tête de son serviteur juste avant de se faire trancher la sienne par le samouraï félon – si vous me passez l’expression -.
Et ça, c’est un exemple de samouraï qui s’est bien comporté. Ah bon, frapper son ennemi dans le dos alors qu’il se lave les pieds, c’est ça, l’honneur ?
Autre exemple :
Un samouraï prend une embarcation dirigée par un batelier. Un vagabond et un jeune homme montent avec eux. Le vagabond est impoli et irrespectueux. Au moment où il urine dans l’eau par-dessus bord, le samouraï, pour laver l’affront, l’attaque par derrière et lui tranche la tête ! Rien que ça. Puis il demande au batelier d’enterrer le corps – ben oui, un samouraï digne de ce nom ne se salit pas les mains à des tâches si matérielles – puis, comme le batelier est témoin de son crime, le samouraï lui tranche la tête ! - Ben oui, c’est pas en prison pour meurtre qu’on préserve son honneur -.
Reste le jeune homme... Le samouraï, toujours digne dans le bushido, force le jeune à frapper le corps du mort à coups de sabre – prétextant qu’il vaut mieux apprendre à tuer jeune - , et le jeune est tellement effrayé qu’il ne racontera jamais ce crime.
Elle est belle la voie du Samouraï, non ? Elle ressemble un peu à la voie du maffieux par certains points, vous ne trouvez pas ?
Des histoires qui vous laissent un goût amer dans la bouche comme cela, il y en a quelques autres. Bien sûr, la majorité des récits présentés mettent plus en avant la vision classique que l’on a des samouraïs, qui se battent jusqu’à la mort pour l’honneur de leur maître, pour réussir leur mission, pour rester honorable. Mais ces quelques tâches sont assez choquantes et permettent au lecteur de développer un autre regard sur la condition de samouraï. Un regard où l’on se rend compte que l’honneur permet de justifier des actes assez lâches, voire stupides et même carrément barbares !
Certains diront « oui, mais c’est une autre culture, une autre époque, on ne peut pas comprendre. » Tuer un témoin gênant pour ne pas être dénoncé aux forces de l’ordre se faisait à cette époque, dans cette culture, et on comprend parfaitement que cela n’a rien d’honorable. Mais bon, passons !
Pour revenir à la structure, ce découpage en chapitre, eux-même découpées en petites histoires, rend la BD très facilement accessible. De plus, une petite icône en bas de page vous indique clairement la fin d’une histoire ! Que demander de plus ?
La fin laisse planer une ombre, en effet, on peut la voir comme la fin d’un récit, mais rien n’interdit de penser qu’un deuxième tome pourrait être édité et présenté d’autres histoires, d’autres thèmes issus du Hagakure.
Les deux narrateurs, Tsunemoto et Tashiro, sont intrigants. Suite au contenu des histoires évoqués plus haut, ils ne sont pas forcément attachants mais on se plaît à suivre leur quotidien, consacré à la transmission de ce savoir ancien.
Une postface de William Scott Wilson permet de mieux situer Tsunemoto dans son époque, et de mieux comprendre le personnage et les nuances de ses propos.
Le choix graphique de Chie Kutsuwada s’est orienté vers une simplicité du trait, tout en gardant un certain réalisme. Le trait épuré renforce l’aspect presque conte de certains récits. Le mouvement est le plus souvent marqué pour le coup de sabre fatidique, où la violence éclate, le temps d’une giclée de sang, de prestes lignes de mouvements et du regard hagard de la victime.
Un petit souci, c’est que les coiffures de samouraï étant souvent les mêmes, il devient rapidement difficile de distinguer tout ce beau monde. Chaque histoire de Tsunemoto mettant en scène un héros – si l’on peut dire – différent, les traits se ressemblant à cause de la simplicité choisie, la distinction des personnages d’une même histoire repose parfois juste sur la tenue portée. Alors gardez l’œil ouvert pour ne pas vous perdre.
L’adaptation se voulant manga, le choix du noir et blanc est approprié.
Par contre, le cadrage se rapproche plus de la BD occidentale. L’explosion narrative du manga ne se retrouve pas dans ce recueil. Mais ce choix semble tout à fait adapté à un récit reposant sur la discussion, la narration. Et les combats, rapides et présentés comme tels, ne se prêtent pas au ralentissement du temps que le surdécoupage du manga permet facilement. Mais certaines pages font exception et offre une étincelle d’énergie contrastant vraiment avec le calme ambiant. Notamment l’évocation des 47 Ronins faite par Tsunemoto.
Le cadrage reste assez classique, à quelques exceptions près là aussi. Des plans larges, serrés et de temps à autres, des plongées ou des contre-plongées renforçant une action ou une vision, fort souvent bienvenues. Comme le cadrage, cela permet de renforcer l’action sur un temps très court.
Hagakure, le code du samouraï est une BD originale par le choix de l’adaptation d’un classique historique japonais. Mais le format est bien court pour rendre pleinement la force du recueil. Et par le choix des histoires, elle permet de découvrir un aspect moins reluisant de cette étrange voie du combattant, le bushido !
Zéda rencontre le jeune Tashiro.
144 pages - 12,95€
Galerie photos
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