Guérilla : La guerre est dans la tête de Swift Guad

Copyright : Swift Guad

Notre avis : Que peut-il bien se passer dans la tête de Swift Guad ? Alors que le rappeur sur-productif avait perdu une partie de son public avec son dernier album, la conclusion en deux parties Vice et Vertu Vol. 3, le voilà de retour sur le devant d’une scène un peu vidée de sa population avec un projet collaboratif surprenant. Comme beaucoup, nous avions totalement boudé son double album l’année dernière, incapable de nous identifier à ce rap indolore, noyant les quelques sons écoutables dans une mer de bêtises et d’autotune abusive. Mais surtout, comme il le dit lui-même si bien, Swift Guad semblait ne plus en avoir rien à foutre du rap, si bien que nous n’en avions plus grand-chose à faire non plus de sa musique. Alors, certes, sa phrase était à considérer au second degré, mais au regard de la globalité des morceaux de Vice et Vertu Vol. 3, il est indéniable qu’une part de vérité se cachait dans cette ligne assez révélatrice du problème. Et c’est à se demander si Swift Guad ne se serait pas finalement menti à lui-même ?

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Le rappeur qui avait envoyé bouler le genre musical qu’il avait cultivé revient l’alimenter en collaboration avec l’excellent Raw Saïtama. On ne sait plus trop quoi attendre de Swift Guad, capable du pire comme du meilleur et qui revient le temps de cet EP sur des terres sur lesquelles on ne l’imaginait plus revenir (à notre plus grand dam). Guérilla est pourtant bel et bien la preuve que le rappeur Montreuillois en a toujours sous le coude, même si sa voix a perdu de sa puissance rocailleuse, et qu’il reste attaché, quoi qu’il en dise dans ses textes contradictoires, à ce hip-hop rugueux qui l’avait fait connaître. Raw Saïtama offre un boom bap du plus bel effet, formidablement mixé pour flatter notre radar de lourdeur, sur lequel Swift Guad pose avec son timbre naturel (pour la majorité des sons). L’adoucissement de sa voix ne va pas à l’encontre de son aspect funeste ici cultivé au travers de morceaux percutants lorgnant sur des sonorités underground grâce à ce flow sombre et maîtrisé, notamment dans les tentatives de chants. Même dans l’autotune le Swift trouve un équilibre afin de ne pas dénaturer la force de sa voix et l’utilise plutôt comme un révélateur d’une facette de lui-même tout aussi intéressante et qu’il travaille depuis bien des années.

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Au travers de ce Guérilla se distingue l’ambivalence qui caractérise le rappeur à bien des égards. Servis sur un plateau en or du Raw, les textes définitivement tournés vers l’egotrip expriment les multiples penchants de la personnalité du MC, ceux qui tendent à brouiller son image ces dernières années. Celui qui peut écrire de la punchline crasseuse et drôle peut également exprimer un mal être assez explicite pour qui voudrait prêter une oreille attentive aux textes. Difficile de cerner le bonhomme, lui qui ne s’aide pas toujours avec une construction de textes parfois brouillonne, mais c’est aussi ce qui rend sa musique parfois fascinante, à défaut de toujours être agréable à l’écoute ces dernières années. Heureusement pour nous, Guérilla fait partie de ces projets de Swift Guad que l’on relance avec plaisir pour y assimiler les subtilités d’une écriture brute comme le talent de Raw Saïtama. La sécheresse de certaines punchlines côtoie une forme de beauté et de poésie, notamment lorsque le rappeur exprime au détour de fugaces lignes sa personnalité auto-destructrice et imprévisible. Au final, rien de surprenant à ce que sa musique soit aussi insaisissable qu’une balle sortant du canon d’une arme. Elle est le reflet de l’artiste qui la fait.