After Hours
Le 8 septembre 2017
Les Safdie bros. reviennent avec un faux film de braquage écartelé entre le buddy movie et le mélodrame 35 mm. Expérimentations lo-fi sensibles et impétueuses sur un lien fraternel incoercible.
- Réalisateurs : Joshua Safdie - Ben Safdie
- Acteurs : Jennifer Jason Leigh, Robert Pattinson, Barkhad Abdi
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 13 septembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
Film présenté en compétition du Festival de Cannes 2017
Résumé : Un braquage qui tourne mal… Connie réussit à s’enfuir mais son frère Nick est arrêté. Alors que Connie tente de réunir la caution pour libérer son frère, une autre option s’offre à lui : le faire évader. Commence alors dans les bas-fonds de New York, une longue nuit sous adrénaline.
Notre avis : La réussite de Good Time tient à son concept minimaliste et à son usage surprenant des codes inféodés aux divertissements populaires. Aussi délicate et affectée soit la façon dont Benny et Joshua Safdie y observent leurs personnages, c’est aux films d’action badass eighties et nineties que s’en remet le long-métrage. Sinon ici que la sensibilité inhérente au genre du mélodrame influence toute la structure. Sous cet angle, Good Time apparaît comme une sorte de buddy movie dont les antihéros ne trouvent jamais l’alter ego, ou du moins ne le côtoient que sur un laps de temps tristement éphémère - c’est le cas avec la jeune fille, ou encore avec le détenu au visage tuméfié.
Dès l’ouverture, la caméra des deux cinéastes place le film sous le signe de Nick, le frère retardé mental de Connie interprété à merveille par Ben Safdie. Le gros plan sur son visage abattu, sur son regard démuni, traduit aussitôt la tonalité mélancolique de l’intrigue. Pris au piège d’un questionnaire insensé énoncé maladroitement par un psychiatre peu compréhensif, Nick manifeste une détresse latente. Personnification allégorique d’une libération désirée mais inatteignable, Connie le soustrait au rendez-vous et l’embarque dans un braquage cathartique. Acte rédempteur par lequel peut-être s’amorce le début d’une existence plus apaisée. Le destin en décide sans surprise autrement, mais qu’importe : en seulement deux scènes, tout de la relation fusionnelle et inconditionnelle des deux hommes transparaît déjà avec élégance - nul doute que c’est l’expérience en la matière du duo qui parle ici. Sans parents et élevés par une grand-mère à la fois impuissante et indifférente, les deux ne tiennent que sur cet amour réciproque. Pour libérer son frère arrêté par la police peu après le hold-up manqué, Connie va défier la nuit et le temps dans une course effrénée et viscérale. Sorte de néo After Hours où les rencontres priment sur l’enjeu de départ.
- Copyright Ad vitam
Plutôt qu’un film organisé autour d’un horizon - ici la libération de Nick - Good Time mise avant tout sur l’expérience dans ce qu’elle procure de plus sensitif. Le nivellement entre une image dirty/lo-fi fluo et des partitions musicales électro-rock signées Oneohtrix Point Never renforce cette idée et développe une atmosphère singulière. Il serait facile de reprocher à cette combinaison son côté formule arty et sa musique trop présente, mais la démarche des cinéastes se veut plus profonde en même temps qu’elle s’autorise à plaire. Le travail sur l’étalonnage et le piqué des plans 35 mm, d’abord, amène une vraie complexité et donne le sentiment de quelque chose d’organique - en cela, le travail accompli sur Mad Love in New York ressort de manière admirable. D’autre part, tout le jeu sur l’assortiment de couleurs et de clairs-obscurs exprime au niveau pictural un réseau infini d’émotions, suggérant également souvent à Connie l’empreinte hors-champ du frère absent.
Dans le rôle de cet homme prêt à tout pour un instant d’affranchissement, Robert Pattinson, en baratineur magnifique - souvent drôle, jamais désabusé -, redouble sans arrêt de roublardise. Caméléon sympathique et attentionné, il traverse les espaces - voir ces cadrages stupéfiants d’un New York tortueux ou ces couloirs interminables pour signifier l’enfer - et déjoue presque toutes les embûches. À ce titre, son personnage, qui dispose d’un don sans pareil pour convaincre ou venir en aide à autrui, intègre d’ailleurs une dimension quasi-christique - la chose est appuyée avec les vitraux en surimpression dans l’hôpital. Dimension qui semble d’autant plus tangible lorsqu’il procure malgré lui aux personnes croisées quelques secondes d’éternité - la vieille femme mourante dans son lit d’hôpital, de même que de nombreux autres.
- Copyright Ad vitam
L’ouverture contrainte au monde de Nick, dans le final, doit-elle être perçue comme une délivrance rendue possible par le sacrifice de Connie ? La question reste en suspens, et tant mieux. Ce voyage au bout de la nuit, tout en s’en tenant à un habile mélange d’influences entre mélodrame d’auteur et réalisations plus mainstream, s’avère l’un des meilleurs films du duo du Queens. Expérience fougueuse autant que poignante, de la fraternité, de l’intime et de l’impassibilité ordinaire.
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MYTHOMANIAC 5 juin 2019
Good Time (Cannes 2017) - la critique du film
Un film brut et violent réalisé avec des plans incisifs au plus près des personnages (parfois trop). Une fuite vers l’avant de Robert Pattinson au coeur d’une ville et d’un univers oppressant.