Le 11 janvier 2021
Taille patron, les frères Safdie, dès leur deuxième long, s’affirment comme des héritiers de Martin Scorsese, par ailleurs impliqué à la production. Volcanique, presque épuisant, le film laisse sans voix, notamment grâce à un scénario parfaitement poli et à Adam Sandler, franchement impressionnant.


- Réalisateurs : Joshua Safdie - Ben Safdie
- Acteurs : Adam Sandler, LaKeith Stanfield, Julia Fox, Idina Menzel, Kevin Garnett
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Policier
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Netflix
- Durée : 2h15
- Date de sortie : 31 janvier 2020

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Résumé : Revendeur spécialisé dans la bijouterie, Howard Ratner croit tenir la perle, ou plutôt le diamant rare en provenance d’Ethiopie : une opale rarissime dont on se demande même si elle n’a pas des propriétés mystiques. Problème : dès qu’elle lui est livrée, l’opale lui est volée… Alors qu’il comptait sur celle-ci pour combler ses innombrables dettes, le voilà dans une situation qui devrait le pousser à tenter le tout pour le tout…
Critique : En cherchant bien, on réalise que peu de films de la trempe de Uncut Gems sont sortis en 2020. On passera sur la déception de ne pas l’avoir vécu au cinéma (le long métrage est distribué par Netflix dans le monde, bien que produit par l’excellente société A24 Films). On s’attardera en revanche sur l’incroyable force d’une œuvre qui s’impose déjà comme une référence. Il y a fort à parier que, dans quelques années, on se retournera en se disant que Uncut Gems marquait une étape décisive du film de mafieux nouvelle génération.
Car c’est bien une nouvelle génération que les frères Safdie incarnent, trois ans après la réussite qu’était Good Times, avec un Robert Pattinson dans un état second.
Cette fois-ci, c’est Adam Sandler qui est à l’honneur, et autant prévenir tout de suite le lecteur qui s’imagine l’acteur abonné aux comédies potaches et régressives. Ce comédien-là est un grand artiste, qui débite ses tonnes de dialogues telle une mitraillette et électrise tout son monde, sous la direction survoltée des Safdie, ce qui sied aussi au reste du casting.
Mais si leur mise en scène et leur montage sont effectivement survoltés, on cherche encore la nuance supérieure pour décrire leur scénario, écrit en collaboration avec Robert Bronstein, déjà là pour Good Time. Riche, dense et foisonnant, il dessine avec énergie la chute impitoyable de son personnage principal, empêtré, étouffé, comme le spectateur, au milieu d’un vacarme qui, par miracle, est intelligible de bout en bout. En résulte une profusion de dialogues entremêlés, qui participent à les rendre crédibles et naturels, assénés comme des droites bien armées.
Copyright Julia Cervantes
La photo de Darius Khondji, référence en la matière, enveloppe le tout d’un écrin varié et élégant, qui alterne avec grande maîtrise entre la vie nocturne des boîtes de nuit électrisantes et la froideur de New York en plein jour.
Avec un suspense tenu jusqu’au bout, bien que les plus habitués au genre imaginent assez vite le seul dénouement possible, et une tension polie telle un diamant brut, le film assomme son spectateur d’un uppercut bien placé, avec sa fin qui laisse coi, haletant, scotché à un générique qu’on n’a pas envie de quitter. Sa force hypnotique doit beaucoup aux sonorités insaisissables de Daniel Lopatin, qui confinent au psychédélique et qu’on encourage à écouter dès que possible.
Si Uncut Gems est déjà un sommet, on attend maintenant monts et merveilles des frères Safdie, bien installés comme les nouveaux génies du cinéma américain.