Glaise - Franck Bouysse, Fabrice Colin, Loïc Godart - la chronique BD

Critique : De nombreuses œuvres, souvent d’ailleurs très bien adaptées au cinéma, ont fait revivre, ont exploré, ont disséqué la Première Guerre mondiale, alternant entre le front et l’arrière, l’avant et l’après, à l’image d’Un Long dimanche de fiançailles ou d’Au revoir là-haut. Pour autant, se focaliser sur une situation à l’arrière est un travail que le domaine historique a maîtrisé, mais que le domaine littéraire n’a pas encore creusé. Glaise porte bien son nom, à savoir une terre que les scénaristes Bouysse et Colin ont labouré, faisant remonter ces cailloux trop lourds, avec des semences de quotidien qui font apparaître des images fracassantes de vérité : de la violence latente évidemment, de l’amour adolescent attendu, mais aussi et surtout quelques scènes très belles et très dignes, la mort d’une grand-mère qui semble disparaître dans l’oubli ou le choix d’un petit chien au milieu d’une portée sacrifiée. Du coup, la fin semble anecdotique car tout l’intérêt réside dans ces aventures de deux fermes isolées, malmenées, françaises et universelles.

© Marabulles / Godart

Le dessin de Godart souligne parfaitement ces mois passés dans le Cantal au plus près de ces hommes et ces femmes : des jeunes et des anciens sympathiques, une femme douce amère qui perd son fils, un mari handicapé et sombre... Les personnages ont des portraits fins et singuliers et le paysage qui les encadre semble faire fumer le fumier, gratter la terre, soulever la charrue ou serrer le joug d’une mule. Il faut savoir apprécier le talent qui fait circuler la vie, avec ses déceptions et ses désespoirs, ses encouragements et ses crises, à travers un dessin constant de justesse.

© Marabulles / Godart

Immersion solide dans un temps révolu, avec un angle aussi inédit qu’efficace, Glaise se rapproche de la terre, donnant une valeur et une lenteur digne de Jean Giono à ce récit très humain.