Le 2 juin 2024
En tous points antithétique au pléthorique Fury Road, le Furiosa de George Miller étonne dans sa relecture radicale du mythe de Mad Max. Ce nouvel opus renie l’héritage matriciel de la saga et fait du Wasteland un terreau fertile à la résurrection du démon féminin, empreint d’une poésie putride. Magique et inespéré.
- Réalisateur : George Miller
- Acteurs : Chris Hemsworth, Tom Burke, Angus Sampson, Anya Taylor Joy , Nathan Jones, Quaden Bayles, Daniel Webber, Goran D. Kleut
- Genre : Science-fiction, Action, Dystopie
- Nationalité : Américain, Australien
- Distributeur : Warner Bros. France
- Titre original : Furiosa: A Mad Max Saga
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 22 mai 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Hors compétition
Résumé : Alors que le monde s’écroule, la jeune Furiosa tombe entre les mains d’une horde de motards dirigée par le seigneur de la guerre Dementus. En traversant le Wasteland, ils tombent sur la Citadelle présidée par l’Immortan Joe. Alors que les deux tyrans se battent pour la domination, Furiosa doit survivre à de nombreuses épreuves pour trouver le moyen de rentrer chez elle.
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Critique : La saga Mad Max a toujours été empreinte, de manière inconsciente, du mythe du messianisme. Max, le guerrier de la route, demeurait une métaphore de la déprédation, de la désagrégation, du pourrissement d’un ordre social à l’agonie, dans un monde où l’humanité est en dérive. Mad Max fut la grande saga du post-apocalyptique par excellence, du monde d’après, une saga de la Désolation où le récit prenait déjà des envolées bibliques évidentes. Dans la trilogie originelle, Max a toujours incarné celui par qui la destruction d’un ordre établi arrive et le commencement d’un ordre nouveau. Dans Fury Road s’est opérée une transition vers le féminin, incarné par le personnage de l’Imperator Furiosa. Soudain, le Wasteland n’était plus un monde en ruine, sans possibilités d’échappatoires, mais un terrain en chantier, avec un espoir, un but, qui animait tous les protagonistes s’articulant autour de Max : La Terre Verte. C’est une terre de possibles, loin du caractère nihiliste qui symbolisait le projet thématique de Miller il y a maintenant plus de quarante ans. Une manière pour Miller de redynamiser sa saga, d’en détourner les codes et ainsi se détacher de l’imagerie virile et du masculin toxique. Le cœur de la saga dorénavant ce sont les Femmes, ces femmes qu’Immortan Joe s’évertuait à garder scellées. C’est aussi Furiosa, la Libératrice, le démon féminin comparable à Lilith, déeesse androgyne d’origine hébraïque, rebelle à l’autorité d’Adam, souvent représentée comme une mère à la fois dévoreuse et pourvoyeuse, provoquant la chute inexorable des Hommes. Après avoir usé de la figure du Christ rédempteur pour symboliser le parcours initiatique de Max, George Miller s’est définitivement tourné vers le personnage de Furiosa, la déifiant comme un Ange déchu, une figure expiatrice balayant de ce monde les faux prophètes et autres marchands de rêves.
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La dimension mythologique du personnage de Furiosa s’exprime dès le début du film quand elle est enlevée de la Terre Verte, son jardin d’Éden, par un bastion de motards. Encore là, Miller fait directement écho au mythe de Lilith, expulsée du jardin d’Éden parce qu’elle a refusé d’être soumise à la discipline d’Adam en refusant de s’accoupler avec lui sous l’œil du Dieu créateur. Avant de quitter le paradis, Furiosa tient une promesse faite à sa Mère : garder quoi qu’il en coûte le noyau de la Pêche qu’elle avait arrachée, et la replanter dans une nouvelle Terre, symbole de l’avènement d’une nouvelle civilisation, cette fois régie par le matriarcat, ce qu’elle fera dans le final de Fury Road, sous l’œil admiratif d’un Max qui n’a plus sa place dans cet univers, sa silhouette se fondant dans la grande foule pour ne devenir qu’un avatar, un figurant. Tout le projet de Furiosa est de créer une nouvelle mythologie du féminin sacré sur les cendres de la saga Mad Max. Cet exercice périlleux est mené d’une main de maître par George Miller, un auteur qui n’a de cesse tout le long de sa carrière de questionner les fondamentaux de ses idéologies, opérant avec Mad Max un virage à 180° pour déconstruire sa grande Œuvre, reniant l’héritage qu’il a contribué à entretenir, et offrir au public d’aujourd’hui une nouvelle mythologie à prêcher, celle de la résurrection, de la renaissance incarnée par Furiosa, dorénavant la véritable déesse de la saga, véhiculant l’espoir derrière l’infamie, tour à tour Gaïa purifiant le Wasteland et furie brûlant le Valhalla. Miller nous dit qu’en insufflant une nouvelle énergie et de l’espérance dans les mythes anciens, l’Humanité saura bâtir le monde de demain. Pour créer, il faut parfois détruire.
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Au-delà des courses-poursuites filmées avec une maestria qui relève du divin, le plus intéressant dans Furiosa, ce ne sont pas les scènes d’actions mais bien ces moments de flottement et de poésie putride dans lesquels Fury Road s’était déjà aventuré. Radicalement opposée au personnage d’Aunty Entity, interprétée par Tina Turner, autre personnage féminin majeur de Mad Max, qui poussait les hommes à se battre sous le Thunderdome mais finalement reproduisait le même schéma auto-destructeur de l’Homme, Furiosa est davantage animé par un idéal : recréer une culture, un héritage, une société égalitaire et écologiste, c’est là le but auquel Furiosa est prêt à tout sacrifier. Le final de Furiosa est en cela magnifique. Après avoir arpenté l’Enfer, elle plante au sein même de l’instrument de sa damnation un Arbre-Monde souterrain, au cœur de la Citadelle, le germe d’un nouveau Paradis et la preuve, s’il en fallait une, que Mad Max est dorénavant un des porte-étendards du féminisme au cinéma.
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