Florence Foster Jenkins - Stephen Frears - critique

Critique : Xavier Giannoli avait déjà consacré un récit à cette pathétique artiste avec Marguerite, somptueuse transposition dans le cadre de la Belle Époque française, portée une Catherine Frot éblouissante. Le film de Frears, produit par la BBC, est très proche du regard du cinéaste français dans l’approche psychologique de la chanteuse, qui croit véritablement en ses capacités lyriques, et dont l’absence de talent est caché par ses proches. Le mélange de traitement comique et d’aspect dramatique a également interpellé les deux réalisateurs, et la composition de Meryl Streep est dans le même registre que celle de Catherine Frot, même si l’actrice américaine accentue le caractère innocent voire sénile du personnage principal. Loin du cabotinage de La dame de fer, Meryl Streep est prodigieuse et devrait attirer l’attention des votants des Oscars et autres Bafta. En fait, le présent film se veut davantage fidèle à la biographie de Florence Foster Jenkins (1868-1944), cantatrice nullissime, qui connut son heure de gloire en participant à des galas de charité et des spectacles associatifs, jusqu’à une fatale représentation au Carnegie Hall de New York.

Copyright Constantin Film Verleih

Son succès apparaît rétrospectivement comme un mystère et un cas unique dans l’histoire du spectacle vivant, le goût du public pour le second degré et le charme (involontairement ?) burlesque des prestations de la chanteuse ne suffisant pas à percer son énigme. Loin de la biographie académique, Florence Foster Jenkins est proche de l’univers de son réalisateur, qui avait déjà évoqué le monde de la scène dans Madame Henderson présente. Si on est loin de l’intimisme des premiers films du cinéaste (Prick up your Ears), le réalisateur retrouve la verve de ses plus grandes réussites à gros budget dont Les Liaisons dangereuses, et l’obstination de Florence fait écho au volontarisme de Judi Dench dans Philomena. Le montage est d’une rare élégance, et Frears dirige à merveille ses seconds rôles, dont Hugh Grant, mari ambigu et touchant, Simon Helberg, pianiste opportuniste, et Nina Arianda en bécasse à la répartie tonitruante.

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On espère toutefois que la vie de Florence Foster Jenkins ne sera pas l’objet d’une troisième biographie, tant cette fascination pour le néant artistique pourra agacer, au-delà du respect que peut imposer la personnalité privée de celle qui inspira aussi Orson Welles avec le personnage de Susan Alexander dans Citizen Kane et Hergé à travers la silhouette de la Castafiore dans les albums de Tintin. Après le biopic d’Ed Wood, « le plus mauvais réalisateur du monde », et les films sur Florence Foster Jenkins, faudra-t-il s’attendre à des récits sur les pires musiciens, acteurs ou peintres ? Mais force est de reconnaître que l’œuvre de Stephen Frears est d’un haut niveau et s’avère susceptible de ravir tous les publics.