Le 5 janvier 2024
L’un des films les plus expérimentaux de Hitchcock est aussi un grand spectacle populaire. Un chef-d’œuvre.
- Réalisateur : Alfred Hitchcock
- Acteurs : James Stewart, Raymond Burr, Grace Kelly, Thelma Ritter, Kathryn Grant, Wendell Corey
- Genre : Thriller, Policier, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h49mn
- Date télé : 7 janvier 2024 21:00
- Chaîne : Arte
- Reprise: 22 octobre 2008
- Titre original : Rear window
- Date de sortie : 1er avril 1955
- Plus d'informations : Dossier : les 25 polars cultes d’Alfred Hitchcock
Résumé : À cause d’une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant. Homme d’action et amateur d’aventure, il s’aperçoit qu’il peut tirer parti de son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants de l’immeuble qu’il occupe dans Greenwich Village. Et ses observations l’amènent à la conviction que Lars Thorwald, son voisin d’en face, a assassiné sa femme. Sa fiancée, Lisa Fremont, ne le prend tout d’abord pas au sérieux, ironisant sur l’excitation que lui procure sa surveillance, mais finit par se prendre au jeu..
Critique : Fenêtre sur cour est fidèle à l’orthodoxie hitchcockienne, car il ménage un suspense savamment distillé et en même temps diablement méta-cinématographique, offrant une réflexion sur le regard, à travers un personnage cloué, qui devient une sorte de média entre le spectateur et le metteur en scène : à la fois objet de spectacle et curieux de tous ceux qui s’offrent à ses yeux. La fragmentation des intérieurs sur lesquels l’œil du héros se promène dissémine de potentiels films, déclinés en autant de situations correspondant à l’amour, qu’il s’agisse du désir, incarné par une jeune femme en petite tenue, de la scène de jalousie, en passant par l’étreinte d’un couple, qui baisse ensuite le store, ou de la solitude d’une dame mimant un repas aux chandelles. Le photographe immobile lui répond et synchronise son geste avec celui de cette voisine, levant son verre à l’unisson de leur manque affectif.
L’immobilité de Jeffries est suffisamment polysémique pour exciter notre réflexion : d’une part, elle figure une sorte d’indécision sentimentale que souligne le premier long dialogue piquant avec l’infirmière Stella ; d’autre part, elle le force à voir ce qu’il ne devrait pas voir, mais auquel il prend goût, devenant une sorte de projection symbolique du spectateur, tel que Hitchcock le construit par le simple effet du suspens ; enfin, elle permet, grâce à une translation autobiographique, de configurer les fantasmes du réalisateur, dont le héros prolonge le regard en s’attardant sur une femme quasiment dévêtue, bientôt affublé, pour poursuivre ses investigations, d’un téléobjectif à la forme phallique. Cet objet psychanalytique, noteront les plus facétieux, retient Lisa et Stella qui, à leur tour attirées par le spectacle, entreprennent d’épier les faits et gestes d’un inquiétant voisin.
Mais il y a plus troublant encore : la première apparition quasiment surnaturelle, face caméra, de Grace Kelly : on ne saurait oublier l’intensité incandescente de ce visage penché sur le voyeur, lui offrant l’accomplissement de ce qu’il désire, même si les deux personnages sont nettement séparés par leurs projets. Et la mise en scène le souligne, car tandis que la caméra saisit souvent Lisa dans un environnement de couleurs chaudes, Jeffries demeure, par contraste, engoncé dans un vêtement d’une froideur monochromée, en l’occurrence une chemise bleue.
Pour le reste, la subtile gradation que le réalisateur privilégie culmine dans un affrontement qui mobilise les effets mêmes de l’image, comme une justification de toute la réflexion sous-jacente à ce classique indémodable.
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
MYTHOMANIAC 5 juin 2019
Fenêtre sur cour - Alfred Hitchcock - critique
Alfred Hitchock, toujours à étudier le vice de ses contemporains (et surtout les siens), se penche sur la curiosité et le voyeurisme.
Dans ce film, James Stewart est cloué chez lui avec une jambe dans le plâtre.
L’ennuie le pousse, petit à petit, à observer ses voisins.
Le maitre du suspens pimente, évidemment, ce petit jeu par une aventure où le sang froid sera de mise. C’est la sublime et pétillante Grace Kelly qui fait les frais de la situation.
En plaçant le spectateur au point de vue de son héros, Hitchcock titille la curiosité et le voyeurisme dans un premier temps, avant de plonger le spectateur dans la frustration et l’angoisse.
Mise en lumière par un décor pharaonique, cette oeuvre mérite toutes les attentions pour comprendre les ficelles de la mise en scène et de la gestion de la tension.
Une oeuvre majeure, maintes fois imitée mais jamais égalée, même si son rythme est ancré dans son temps, elle se découvre et se redécouvre avec beaucoup de plaisir.