Fallait-il rééditer The Killing Joke ?

Cela n’aura échappé à personne, depuis la semaine dernière, The Killing Joke est de retour dans les bacs. Ce Graphic Novel de 1988 par Alan Moore et Brian Bolland, édité par Urban Comics raconte les mésaventures du commissaire Gordon maltraité par un Joker plus sadique que jamais. Si ces 72 pages font la joie de beaucoup, certaines voix commencent à se faire entendre pour exprimer une certaine lassitude de la politique batmanienne de Urban. Alors, fallait-il rééditer The Killing Joke ?

Oui car c’est un classique qui n’était plus disponible. Urban, en obtenant la licence DC, ne pouvait se permettre de laisser de telles œuvres dans les cartons et il fallait prendre le relais de la dernière édition, par Panini, qui fut rapidement introuvable (oui, en 2009, nous sommes encore dans les grandes heures de la gestion anarchique des volumes par le fabricant italien d’autocollants).

Oui car c’est une très bonne histoire aux dessins qui tuent. Bon OK, c’est Alan Moore, l’homme qui ferait un best-seller de sa liste de courses (Dieu merci on ne publie pas Moore comme on publie Sfar) mais il faut avouer que sur The Killing Joke il fait du beau boulot. Pas son meilleur scénario, bien sur, mais du beau boulot. Mais il est surtout épaulé par un Brian Bolland (Judge Dredd, Camelot 3000) qui livre un travail remarquable dans un dessin sombre et terriblement efficace. The Killing Joke, c’est du bon, du très bon.

Oui car les albums Urban sont du meilleur effet dans une bibliothèque, avec leur tranche noire classieuse, et qu’une collection Batman sans The Killing Joke n’est pas une collection complète. C’est comme une soupe sans moustache, il manque quelque chose.

Non car c’est la 4ème fois que ce Graphic Novel a été édité en France. Suite à sa sortie en 1988, The Killing Joke fut édité en 1989 par Comics USA, puis en 2000 chez Delcourt et, enfin, en 2009 par Panini (source MDCU). Par rapport à cette dernière, l’édition d’Urban ne propose pas vraiment de "bonus" supplémentaires. Mais a-t-on réellement besoin de bonus ?

Non car on commence à saturer du Batman. OK, les histoires du justicier de Gotham sont très bien fichues mais à force de nous le servir à toutes les sauces, on frôle l’indigestion. A titre d’exemple, en mars, il y aura 5 sorties librairies sur l’univers de Gotham (Joker Anthologie, Batman Cataclysme, Grant Morrison présente..., Nightwing, The Killing Joke), dont 2 uniquement sur le Joker. Et c’est sans compter les 3 sorties kiosques (Batman Saga, DC Saga, Justice League Saga). Ça va finir par se voir qu’Urban exploite le filon à fond...

Non car pendant qu’Urban publie The Killing Joke, il ne publie pas autre chose. Or, il y a pléthore de séries à découvrir et qui ne sont pas publiées en France (tiens, Hellblazer chez Vertigo, comme ça, au hasard). Bien sur que TKJ est un succès garanti pour son éditeur mais le lecteur voudrait, aussi, découvrir autre chose ou juste lire dans la langue de Christophe Maé des comics qu’il n’a vu que dans le previews !

Non car ces best-sellers faciles trustent la visibilité, les ventes et le porte-monnaie du lecteur au détriment d’albums qui mériteraient d’être soutenus. Tiens, pendant que l’on parle de The Killing Joke, qui cause de Super Zelda aux éditions Sarbacane ? Pourtant, qui aurait besoin d’un petit coup de pouce, à votre avis ?

Donc, fallait-il rééditer The Killing Joke ? La réponse est "Oui mais". Oui pour que cette œuvre soit disponible pour les newbies, les fans, les collectionneurs mais en espérant qu’Urban commence à modifier sa stratégie de publication en mettant de coté les valeurs sures pour investir dans des séries plus innovantes, certes plus risquées. Le comics a encore beaucoup de lecteurs hexagonaux à conquérir et même si l’offre actuelle est plutôt riche (cf. les catalogue de Glénat, Delcourt, Panini) ces derniers ne s’en contenteront pas tant qu’ils pourront presque toucher du doigt l’immensité de la production US.

Après, il faut savoir jouer avec le cercle vicié du business : Il faut des lecteurs pour éditer, il faut du solide, du classique pour les attirer les lecteurs mais il faut de la nouveautés, de l’audace pour les fidéliser. Pas simple, tout ça...