Crise de couple
Le 2 novembre 2010
Doug Liman nous revient en bonne forme avec ce film-dossier efficace, dénonçant les dérives de l’administration Bush et l’influence néfaste des pressions médiatiques sur un couple uni. Pas mal du tout.
- Réalisateur : Doug Liman
- Acteurs : Sean Penn, Naomi Watts, Bruce McGill, David Andrews, Michael Kelly
- Genre : Drame, Politique
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 3 novembre 2010
- Festival : Festival de Cannes 2010
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Durée : 1h46
Doug Liman nous revient en bonne forme avec ce film-dossier efficace, dénonçant les dérives de l’administration Bush et l’influence néfaste des pressions médiatiques sur un couple uni.
L’argument : Valerie Plame, agent de la CIA au département chargé de la non-prolifération des armes, dirige secrètement une enquête sur l’existence potentielle d’armes de destruction massive en Iraq.
Son mari, le diplomate Joe Wilson, se voit confier la mission d’apporter les preuves d’une supposée vente d’uranium enrichi en provenance du Niger. Mais lorsque l’administration Bush ignore ses conclusions pour justifier le déclenchement de la guerre, Joe Wilson réagit via un éditorial dans le New York Times déclenchant ainsi la polémique. Peu après, la véritable identité de Valerie Plame est révélée par un célèbre journaliste de Washington.
Avec sa couverture réduite à néant et ses contacts à l’étranger en danger de mort, Valerie voit s’effondrer sa carrière et sa vie privée.
Après des années au service du gouvernement américain, elle va devoir maintenant se battre pour sauver sa réputation, sa carrière et sa famille.
Notre avis : Bonne nouvelle : Doug Liman retourne aux choses sérieuses. La mémoire dans la peau, thriller d’espionnage éclatant qui marqua le genre et consacra Jason Bourne/Matt Damon sur grand écran, remonte tout de même à huit ans ; depuis, l’Américain avait mis son talent prometteur (et très courtisé) au service de petites récréations cinématographiques, amusantes d’abord (Mr and Mrs Smith), ineptes ensuite (l’oubliable Jumper). La maîtrise de son art méritait des sujets autrement plus ambitieux. Avec Fair Game, nouveau réquisitoire contre l’administration Bush et contre le mensonge des armes de destruction massive, Liman retrouve l’heureuse veine politique et paranoïaque de La mémoire, tout en dialoguant avec un autre film-tableau à charges sorti en début d’année : l’électrique Green Zone by Paul Greengrass (... l’autre réalisateur de la saga Jason Bourne !). La mise en scène nerveuse et faussement documentaire de Liman, entre caméra tout azimuts multipliant les points de vue et montage haché au bord de l’essoufflement, montre d’ailleurs à quel point l’esthétique "reportage" propre à Greengrass a significativement marqué Hollywood dans son traitement des faits politiques contemporains. Une esthétique que Doug Liman reprend en partie, sans transcender l’exercice ni y insuffler autant de personnalité que son confrère survolté, mais qui rend son "histoire vraie" tout à fait captivante. La barque Fair Game est menée avec une redoutable efficacité, parcourant les quatre coins du monde comme dans un James Bond (Etats-Unis, Asie, Niger, et on en passe, jusqu’à une reconstitution surprenante des bombardements de Bagdad de 2003), trimballant ses personnages d’aéroports en ambassades pour mieux les laisser, in fine, épuisés et exsangues.
Bien entendu, exactement comme Green Zone, Fair Game arrive après la guerre, l’absence d’armes de destruction massive en Irak n’étant plus un scoop pour personne : la force subversive de son récit s’en trouve quelque peu amoindrie. Sa présentation à Cannes cette année, en compétition, prouve pourtant que le sujet reste toujours d’actualité - le film, le seul à représenter les Etats-Unis au sein de la sélection 2010, est reparti bredouille faute d’une charpente assez solide (comme le reste du cinéma yankee avant lui, pas plébiscité à Cannes depuis 2004... et le pamphlet anti-Bush de Michael Moore, Fahrenheit 9/11 !). Le démarrage en trombe, où Liman balance du Gorillaz sur des images d’archives, laisse pourtant espérer que le film dépassera son statut de dénonciation polie, pour s’enflammer en un brûlot. En l’état, le film-dossier est carré, bétonné par sa pluie d’informations et de micro-révélations (Fair Game est directement adapté du livre éponyme de Valerie Plame, ainsi que du livre de son mari, Joe Wilson), maîtrisé de bout en bout, quoiqu’au bord de la schématisation parfois (l’odieux Libby, ponte de la Maison Blanche surjoué avec délectation par le comédien David Andrews). On regrettera tout de même son finish qui retombe dans la glorification très conventionnelle des sacro-saintes valeurs américaines - justice, famille, goût de l’effort et de la persévérance - avec un sérieux plombant.
Là où Fair Game surprend (un peu), c’est quand il laisse de côté ses strictes visées frondeuses pour creuser une seconde voie, plus dramatique et sensible, plus cinématographique : le portrait d’un homme et d’une femme dont la vie personnelle s’accorde tant bien que mal à une vie professionnelle mouvementée. Comme Mr and Mrs Smith finalement, la comédie en moins, la véracité en plus : absences régulières, enfants à élever, sorties entre amis tournant au règlement de comptes, cachotteries à l’entourage, petites jalousies du quotidien. Lorsque l’identité secrète de Valerie Plame est révélée au grand jour par un journaliste-vautour et que commence la pression continuelle, subie au nom d’une "vérité qui dérange", le film marque un tournant pour montrer le lent déclin d’un couple, à l’existence bafouée par la machine de l’Etat, à l’intimité volée par les médias. Versant qui ne manque pas d’intérêt, rappelant le (génial) Révélations de Michael Mann et permettant à Doug Liman, sous couvert de la dénonciation politique, de dresser une radiographie du couple en crise, entre exacerbation des rancœurs et des frustrations, tentation de tirer la couverture à soi (l’acharnement suspect de Joe Wilson à défendre sa femme sur toutes les chaînes de télé) et poignantes confessions de dernière minute. Naomi Watts et Sean Penn ont déjà tourné deux fois ensemble (21 grammes et The assassination of Richard Nixon) et se connaissent suffisamment bien pour interpréter ce mélange de complicité et d’animosité ; elle, impeccable, assure dans tous les registres, que ce soit l’assurance de l’agent inflexible ou la rupture d’une femme blessée ; lui, après sa remarquable prestation en Harvey Milk, retombe malheureusement dans ses anciens tics, tantôt éteint, tantôt cabotin, mais assez talentueux pour rester crédible. Ils donnent un peu de chair à ce mini-pamphlet qui charme à la première vision mais qui, étonnamment, ne laisse que peu de traces.
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